Vodoun Oro : le héros conservateur de la biodiversité au Bénin

10 Janvier 2021, Vodounzangbé pour les plus flexibles à la culture africaine, et mahuzangbé pour très fervents, fidèles des religions étrangères. Toujours est il que nous sommes dans un État laïc. Mais ce qui nous intéresse ici après nos premiers écrits du 10 Janvier 2020 tranchant entre mythe et réalité sur le caractère conservatoire de la biodiversité par le vodoun au Bénin constitue le meilleur vodoun conservateur de la biodiversité. Nous sommes enfin arrivés à déceler l’exemple type de vodoun écolo grâce à un croisement entre nature et culture.

Au Bénin, la nature est pourvoyeuse de divinités. Un arbre, un animal, un enclos végétal, une forêt ou une broussaille cache pour la plupart un sanctuaire, un couvent où loge un vodoun. Célébré comme bienfaiteur par les uns et décrié comme malfaiteur par les autres, le vodoun continue de susciter un espoir en termes de conservation de la biodiversité au Bénin. Le modèle emblématique reste et demeure le vodoun Oro.

Par Megan Valère SOSSOU

La nature a toujours été l’objet d’attention soutenue émanant des forces religieuses comme les communautés traditionnelles vodoun au Bénin. Une tentative de définition de ce dernier se résume à des idées que les croyants se font de diverses puissances immatérielles émanant soit de faits de la nature, soit de personnes humaines ayant rang d’ancêtres.
Bien qu’il y ait une montée du christianisme, le vodoun n’a pas encore été totalement extirpé de l’esprit des béninois quelque soit sa génération et sa religion. Depuis les temps anciens, les hommes veillent dans leurs actions destructives à ne pas inquiéter les forêts sacrées. Le Bénin en compte deux mille neuf cent-quarante (2940) forêts sacrées sur son territoire. Cependant, elles ne couvrent qu’une superficie de 18 360 hectares soit 0,16% explique le Colonel Vincent de Paul BEHANZIN, Chef d’inspection forestière du Zou.

Depuis quelques années déjà, la majeure partie de ses forêts sacrées jadis bâties, par certains vodoun subsiste à peine sous forme de reliques éparses en raison de l’action de l’homme, celles érigées par le Vodoun Oro restent un exemple de la survivance naturelle. Une richesse culturelle de l’aire culturelle Yoruba Anago qui conserve strictement la diversité biologique au Bénin.
D’où vient le vodoun oro ? L’invisible déesse du vent, divinité de sexe féminin
Un prêtre du vodoun Oro ayant requis l’anonymat, nous expose ce que la légende mythique raconte. Il rapporte que « Ogou, le dieu du fer avait demandé à sa sœur Oro, une divinité de sexe féminin et déesse du vent, de venir sur la terre pour offrir des sacrifices à Dieu, le créateur en colère, pour demander son indulgence et obtenir son pardon, après que des divinités qui vivaient toutes avec Dieu l’aient offensé. Dans son voyage vers la terre, la légende révèle que Oro s’est mise toute nue, et a confié ses habits à une autre divinité qui l’accompagnait, à mi-chemin entre le ciel et la terre, afin de permettre au sacrifice de vite se propager aux quatre vents. Étant venue sur la terre pour déposer le sacrifice composé de tous les fruits, les femmes qui ont vu toute nue Oro ont commencé par se moquer d’elle. La divinité a essuyé des coups de fouet, des jets de pierres. Confuse et couverte de honte pour sa nudité, la déesse du vent est allée se cacher dans une forêt. La divinité qui l’avait accompagné est retournée au ciel pour informer Ogou de la situation. La divinité Oro étant fâchée, s’est réfugiée dans la forêt et n’apparaitra en principe que la nuit ».
Le Professeur Noukpo Agossou, dans ses écrits « Les villes du Bénin méridional : entre nature et culture ? », justifie de même que le vodoun est toujours implanté dans un décor naturel qui lui imprime son identité. Il l’a maintes fois notifié, le vodoun est né de ou dans la nature.
Connivence entre le vodoun Oro et la diversité biologique
Ainsi, avec un principe strict de conservation fondé sur la peur, les forêts sacrées contrôlées par le vodoun Oro sont respectueusement évitées par toute la communauté à cause de son rôle de protecteur spirituelle en faveur de toute la communauté. De plus, ce principe de peur est inspiré selon les spécialistes par cette divinité secrète en raison de stricts édits d’interdiction d’accès et d’exploitation des ressources naturelles. Car, en croire E. Kenali, riverain d’une forêt sacrée, orozoun dans la commune de zangnannado, la divinité résiderait dans toutes les ressources naturelles (végétales, animales et minérales) sur son espace.
En cas de violation des interdictions à travers le déboisement, le braconnage au sein de la forêt sacrée ou d’intrusion quelconque, la sanction suprême infligée par le vodoun Oro, connue de tous, consistait à faire disparaître l’individu dans la nature sans aucuns recours.

Dès lors, la question qui se pose, demeure, la composition biologique de la forêt consacrée au vodoun oro (orozoun).
Selon des études scientifiques alliant nature et culture, il ressort que l’empire naturel du vodoun Oro offre plusieurs espèces d’animaux dont des reptiles, des insectes, des chauves souris, des primates, des potamochères et trois grandes catégories de peuplements végétaux. Les grands arbres dénommés Atingbo, d’une hauteur de 10 m et plus comme l’iroko, (Lokotin, Milicia excels) ceinturé de rameaux de palmier et qui abrite parfois la divinité, le baobab (Kpasa, Adansonia digitata), le fromager, (Ajolohuntin Huntin, Ceiba pentandra), et le cocotier, (Agonkεtin, Cocos nucifera). La deuxième catégorie d’arbre est constituée des arbres et arbustes, dit Atin, haut de 2 à 10 m, englobe l’hysope, (Désretin, Newbouldia laevis). Cet arbre réputé dans la purification, intervient dans toutes les cérémonies liturgiques. Le palmier à huile (Détin, Elaeis guineenis), dont les rameaux sont utilisés en ficelles rituelles comme symboles d’interdiction. Le figuier, (Aviatin, Ficus polita), qui sert d’ombrage pour les cérémonies réunissant un nombre important d’adèptes. Le Samba, (Olotin, Triplochiton scleroxylon), l’arbre sacré du vodoun Oro, reconnaissable à son fût très élancé, effilé et droit. Et enfin, les arbrisseaux, (Atinvu) et les herbes (zoun kan), qui ont généralement moins de 1 m.
Néanmoins, témoigne un initié, le sieur Nougbodohoue, un entretien saisonnier de la forêt sacrée, Orozoun s’effectue à l’occasion des cérémonies rituelles à travers le sarclage des touffes d’herbes l’aménagement des entrées et des sentiers précisant que cette activité s’opère sous la vigilance des dignitaires.
Par ailleurs, une complicité est observée entre nature et vodoun Oro sur toute l’étendue du territoire nationale. Autrement dit, où se trouve le vodoun oro, retrouve t- on une forêt systématiquement sacrée et encore vierge. Il s’agit des communes d’influence culturelle yoruba anago comme Ouidah, Covè, Zagnanado, Kétou, Pobè, Ikpinlè, Adja-Ouèrè, Sakété, Ifangni, Bantè, Savè, Ouèssè, Tchaourou, Adjarra, Avrankou et Porto-Novo.
Bien que la sacralisation des forêts soit un moyen efficace de protection ou de conservation des ressources naturelles en leur diversité biologique, le Bénin peine à se positionner comme une nation exemplaire dans la conservation de la biodiversité. Politiques et acteurs culturels ont du mal à mettre les petits plats dans les grands en vue de réserver à la génération future une riche biodiversité.
Toutefois, rappelons que plusieurs forêts sacrées autres que celles consacrées au vodoun Oro, sont en proie au morcellement et à la vente des réserves foncières. Une situation qui bafoue la culture et la nature du Bénin. Si rien n’est fait, les forêts sacrées les mieux protégées et conservées resteront celles de la divinité Oro, elles mêmes, victimes des élagages saisonniers dues aux changements climatiques.

Megan Valère SOSSOU