Publié le: 15 août 2022 Par: Journal Santé Environnement Commentaire: 0

• Une trentaine de tortues retrouvées mortes à la plage de Cotonou en moins d’un mois.

• Les pêcheurs marins des bateaux « Khely Khely » pointés du doigt.

• Des pêcheurs locaux transportent des tortues marines à Ganvié, Aguégué, Ahuansouri-Agué.

• Des autorités régaliennes en spectateur

• Nature Tropicale ONG décrit une scène atroce sur les tortues marines au Bénin.

Alors qu’elles peuplent nos océans depuis plus de 150 millions d’années, les tortues marines, officiellement protégées depuis 1991, rencontrent encore de nombreuses menaces rendant leur conservation difficile. Aujourd’hui, six des sept espèces vivantes sont considérées comme menacées ou gravement menacées.

Bien que le Bénin ait signé et ratifié plusieurs conventions internationales en faveur de la protection des espèces menacées, il fait face depuis quelques mois et beaucoup plus intensément en juillet et début août 2022 à la recrudescence d’attaques contre les tortues marines aux large de ses 125 Km de cote.

L’alerte sur les attaques visant les tortues marines a été donnée par des pêcheurs acquis à la cause des tortues et éco-gardes accompagnés par Nature Tropicale ONG, une organisation spécialisée dans la conservation de la nature, membre de l’UICN qui place la protection des tortues au premier rang de ses actions. Joséa DOSSOU BODJRENOU est le Directeur de Nature Tropicale ONG. Il décrit une hécatombe ciblant les tortues marines.

Du braconnage sauvage de ces espèces migratrices

Il s’agirait de certains pêcheurs marins qui utilisent des techniques nécessitant l’emploi des filets dormants laissés en mer pendant trois jours. Des filets, fantômes dorment pendant trois jours et empêchent le passage aux tortues tout en occasionnant leur mort. Sont également à l’origine de ce drame, les bateaux khely khely connus pour leurs mauvaises pratiques de pêche.

La pêche au chalut est une forme de pêche qui consiste à deux pirogues de se mettre à moins de 20, 30, 50 mètres avec de longs filets. Elles vont à une grande vitesse en raclant tout sur leur passage. Des pêcheurs sont mécontents que les tortues détruisent leurs filets une fois piégés. Cependant, à défaut de les libérer, ces derniers préfèrent les tuer en leur assénant des coups puis en les démembrant.

Conséquence, plus d’une trentaine de tortues mortes ont été enregistrées en moins d’un mois en ce début de saison des pontes sur les côtes béninoises. Deux espèces de tortues sur les quatre (04) espèces habituées à la côte béninoise font partie des victimes de cette attaque. Il s’agit des espèces de torture Olivâtre et Luth souvent démembrées par les pêcheurs alors que cette période correspond à celle de la présence effective des tortues au Bénin.

Aux dires de Joséa DOSSOU-BODJRENOU, cette période couvre juin-juillet-août jusqu’en novembre et décembre. Autrement dit, le dernier semestre de chaque année, les tortues sont plus fréquentes sur les plages. Et pour cause, elles viennent pondre dans les plages sablonneuses du Bénin. Une période propice également aux baleines, aux lamantins d’Afrique, aux dauphins proches des côtes surtout pour la reproduction.

Actuellement, la situation reste telle. « Rien n’a encore changé » dixit Joséa DOSSOU-BOJRENOU avant de demander des actions fortes de l’État. Le manque d’application des textes régissant la gestion de ces ressources naturelles favoriserait la situation. « Si les textes relatifs à la pêche et à la pisciculture étaient rigoureusement mis en application, on pourrait parler de début de règlement de la situation. Mais ce n’est pas le cas, regrette-t-il. »

Pour preuve, des tortues marines seraient retrouvées sur des lacs du Bénin. Des pêcheurs locaux qui se permettent de transporter des tortues marines à Ganvié, Aguégué, Ahuansouri-Agué.

Des pistes de solution existent pourtant

Le Directeur de Nature Tropicale ONG propose un contrôle des barques et l’application de la loi au cas où une tortue se retrouverait dans la barque d’un pêcheur. Sinon, se désole-t-il, tant que l’impunité demeure, ces espèces intégralement protégées continueront de souffrir et ce sera une perte de temps pour les activistes bénévoles.

Quand même, il plaide que lors de l’élaboration des Plans d’Actions à la Gestion de ces Aires Marines, qu’on tienne compte de la collaboration des pêcheurs en mettant à leurs dispositions un système de dédommagement quand leurs filets sont déchirés par les tortues. Il propose également que lorsque des zones seront délimitées pour la pêche interdite, il faille donner des moteurs hors-bords ou des barques aux associations des pêcheurs pour qu’ils aillent plus loin pour faire la pêche.

À l’État, aux pêcheurs et aux populations, il lance un vibrant message de prise de conscience. « L’État doit prendre ses responsabilités et agir en faveur de ces espèces… C’est une question de conscience spirituelle », a-t-il indiqué avant d’exhorter les hors-la-loi au respect de la loi, car la présence des tortues dans la mer favorise la multiplication de certaines espèces de poissons.

Des prouesses malgré le contexte

Cette situation n’a guère émoussé l’ardeur de Nature Tropicale ONG qui a procédé comme à son habitude, à la libération en mer de près d’une centaine de bébés tortues marines ce jeudi 11 août 2022. C’était à la plage de Tokplégbé dans le premier arrondissement de Cotonou.

Une action réalisée communément avec la brigade forestière de protection de la zone côtière, la police fluviale, la brigade de protection du littoral et de la lutte antipollution. Ces derniers sont issus des œufs collectés, incubés et sécurisés par les écogardes du littoral formés par Nature Tropicale ONG. Des bénévoles et éco-gardes qui continuent de travailler malgré le contexte. Un sacrifice qui ne se fera pas pendant toute la vie avertit Joséa DOSSOU BOJRENOU.

Megan Valère SOSSOU

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