Lutter contre la désinformation : la solution ultime pour mieux promouvoir la planification familiale au Bénin
Alors que le Bénin s’est engagé au partenariat de Ouagadougou à faire passer le taux de prévalence contraceptive moderne chez toutes les femmes de 11,7 % à 18 % en 2026, c’est sans compter sur les rumeurs et fausses informations qui circulent au sujet de la contraception au Bénin.
Le monde entier a célébré ce lundi 26 septembre 2022, la journée mondiale de la contraception dans un contexte où les jeunes n’ont pas encore véritablement accès aux différentes méthodes contraceptives. Une situation qui fait de nombreuses victimes dans leur rang et au nombre desquelles se trouve dame K. Nondi.

Âgée, seulement, de 25 ans, elle a déjà accouché huit (08) enfants. Cette résidente du village de Aboloumè dans le 7e arrondissement de la commune de Aplahoué, département du Couffo au Bénin, aurait souhaité espacer ses naissances, mais la désinformation sur les méthodes contraceptives dans son milieu a pris le dessus.
Aujourd’hui elle peine avec son mari à survivre et subvenir aux besoins vitaux des huit enfants. « On nous a toujours dites que les méthodes contraceptives compromettent la santé sexuelle de la femme. » « Qu’elles dérèglent le système immunitaire de l’enfant à naître après. » Ou que « Ce sont des stratégies développées par les blancs pour réduire ce que nous avons de si chère. »
Selon les données de la 5e enquête démographique et de santé au Bénin publié en 2021, le département du Couffo auquel appartient le village de Aboloumè, cinq pour cent seulement des jeunes femmes utilisent des méthodes modernes. Un faible pourcentage causé par les mythes et fausses informations dans un milieu encore très conservateur des valeurs socio-culturelles au Bénin.
Comme Nondi, elles sont nombreuses, ces femmes, à avoir entendu au moins une rumeur dans leur milieu à travers des sources trompeuses. Mais ces informations ne s’avèrent pas, rassurent les personnes ressources que nous avons rencontrées.
Amour Priscille AGUIAR est Sage-femme et spécialiste en santé sexuelle et reproductive. Elle explique : « La plupart des rumeurs ne viennent pas des gens qui ont vécu elles-mêmes une situation. C’est souvent les ‘’on a entendu’’ ou ‘’on a dit’’. »
Des cas de désinformation au sujet de la contraception, cette sage-femme qui a longtemps servi au Centre de Santé de Akassato dans la commune de Abomey-Calavi en a vécu. Elle raconte « Un matin, j’étais en train de faire mon counseling quand une dame est intervenue subitement dans l’assemblée que le dispositif intra-utérin serait dangereux et se déplacerait dans les poumons ou dans la gorge. »
Cette dame soutenait avec véhémence qu’elle aurait vue, sa sœur se fait opérer à la gorge à cause du dispositif qui se serait déplacé au niveau de sa gorge. Une information que la sage-femme va très rapidement désamorcer en contactant séance tenante ladite sœur par le biais de la dame en question.
« Ce mal n’a rien à voir avec le dispositif intra-utérin que j’ai adopté »
Il s’agirait aux dires de la supposée victime, d’un goitre dont elle souffrait. « Ce mal n’a rien, avoir avec le dispositif intra-utérin que j’ai adopté a-t-elle confié au téléphone à la sage-femme.
En effet, il lui aurait été recommandé de se débarrasser d’abord de son dispositif intra-utérin avant de profiter des services d’une mission chirurgicale venue à Ganvié. C’est la coïncidence qui a suscité une interprétation erronée de la part de cette dame.
Toutefois, la sage-femme, spécialiste de la santé sexuelle et reproductive pense qu’il revient au prime abord aux agents de santé d’être attentifs afin d’orienter convenablement les femmes. Il est vrai que les femmes viennent généralement avec en cœur, leur choix sans une information fiable, avoue-t-elle.
Mais il est recommandé d’expliquer à l’aide du disque de critère d’éligibilité, le mécanisme d’action des différentes méthodes aux femmes. Sans quoi, elles sont livrées à elles-mêmes dès lors qu’elles sont surprises quelques fois par les effets secondaires.
Cependant, il est à retenir que l’avantage d’adopter une méthode contraceptive est énorme par rapport aux effets secondaires. Également, il existe une variété de méthodes contraceptives qui ont toutes fait leur preuve. Un avis partagé largement partagé.
Nécessité de lutter contre la désinformation anti-contraceptive
Edwige BINAZON est Journaliste spécialiste de la vérification des informations à UNICEF Bénin et Activiste des droits en santé sexuelle et reproductive. Elle relève au Bénin des progrès significatifs mais les vraies informations ne sont pas encore à la portée de tout le monde a-t-elle reconnue. Il importe de disposer d’un répertoire des fausses informations afin de mieux orienter la lutte.
Si non, les adolescentes et les jeunes sont les plus exposés avec des grossesses non-intentionnelles et des infections sexuellement transmissibles a-t-elle fait remarquer. Le rapport 2022 du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) compte environ 12 millions de grossesses non-intentionnelles chaque année dans le monde avec des naissances de plus en plus rapprochées au sein des couples.
Pourtant selon les estimations de données réalisées en 2021 par Track20 grâce à l’utilisation des contraceptifs, 140 000 grossesses non-intentionnelles pourraient être évitées ainsi que 52 000 avortements non-sécurisés. Aussi, 410 décès maternels sont évitables chaque année au Bénin.
Il urge donc de lutter contre les rumeurs et les fausses informations pour mieux promouvoir la planification familiale aussi bien en milieu rural qu’urbain. Si celles-ci étaient déconstruites dans l’entourage de dame Nondi, elle ne serait pas dans une situation difficile après huit (08) enfants seulement à l’âge de 25 ans.
« La taille d’une population et sa jeunesse peuvent être un atout, son augmentation trop rapide est un frein pour son développement, quand dans un pays la demande en matière d’éducation, de santé et de l’emploi croît beaucoup trop vite que l’investissement et l’offre dans ces trois domaines, le pays s’appauvrit », avait déclaré le Président de la République du Bénin, Patrice Talon au cours d’une interview accordée au média français Le Figaro.
D’ailleurs, le Président de la République du Bénin entrevoit d’ici à 2023, un programme de maîtrise des naissances avec une pédagogie et des mesures incitatives. Car, soutient-il, l’explosion démographique est un facteur pénalisant pour le développement.
Appel à la responsabilité de tous les acteurs
Pour y parvenir, il faut miser sur l’engagement des activistes, des agents de santé, des Organisation de la Société Civile, des gouvernants et aussi bien des femmes que des hommes. Les personnes ressources rencontrées recommandent de profiter de l’opportunité d’accouchement pour mieux informer les femmes. Des campagnes d’information avec les cliniques mobiles au sein des communautés et des campagnes digitales permettraient de lutter efficacement contre la désinformation. Et donc d’atteindre les objectifs escomptés en matière de planification familiale au Bénin.
Megan Valère SOSSOU