Parc W-Arly-Pendjari : un patrimoine mondial à la merci des terroristes

Depuis quelques années, des actions terroristes menacent les zones du complexe W-Arly-Pendjari (WAP), classé patrimoine mondial de l’humanité. Outre les menaces sur la faune, le complexe est devenu un lieu de passage de trafics divers dans lesquels des groupes armés et des agents de l’Etat sont cités. Une équipe de journalistes de la CENOZO a enquêté.

Vue partielle du Complexe WAP / Ph : DR

« Nous ne sommes plus en mesure de vous dire ce que ce parc est devenu ». L’aveu est de Aboubacar Salifou, un écogarde ayant longtemps séjourné dans le parc W au Niger. Il témoigne ainsi du triste sort du complexe du W-Arly-Pendjari, appelé « complexe WAP ». Selon un document fourni à la CENOZO par la Direction régionale de l’Environnement de l’Est au Burkina Faso, des centaines d’espèces végétales et animales vivent dans ce parc.

Aujourd’hui, ce complexe est sous la pression de plusieurs groupes terroristes qui s’y sont installés progressivement. A Fada, localité située à 130 kilomètres à l’est de la capitale du Burkina Faso, se trouve le siège du Mouvement africain pour les droits de l’environnement dans la région de l’Est (MADEE). C’est là que le 24 août 2023, un membre de notre équipe de journalistes a rencontré Alassane Nakandé, directeur exécutif de l’ONG. Ce dernier, un forestier de formation, connaît bien la situation et les lieux. Il avait l’habitude de travailler avec les populations installées aux abords du parc.

Par la force des choses, il est aujourd’hui obligé de travailler désormais à distance. Raison évoquée : l’occupation de la zone par les terroristes. L’alternative trouvée par le MADEE est le recrutement de “répondeurs locaux” qui lui font le point de la situation de la destruction de la biodiversité. Il confie que depuis 2019 son organisation a des difficultés d’accès à des zones comme Mandjoari, Tansarga, Tambaga. Ces communes de la région de l’Est (Burkina Faso) sont sous pression des groupes terroristes.

Cartographie des zones occupées par les groupes armés terroristes au sein du Parc, réalisée en 2022 dans le cadre du plan d’urgence sécuritaire du parc par le ministère en charge de l’Environnement du Burkina Faso.

Monsieur Nakandé brandit le lien d’une déclaration faite par son Mouvement en mai 2022 qui est adressée aux autorités de la Transition du Burkina. C’est une alerte sur la disparition de la biodiversité et surtout des éléphants dans le parc WAP.  « La viande des animaux sauvages était devenue moins chère et inondait les marchés de certains villages. Avec la pression des groupes terroristes, le braconnage s’est accentué et des populations s’en prennent à la faune. Ils tuent et font transiter la viande avec des taxis-motos vers le Niger et le Togo », explique-t-il avec tristesse.

International Crisis group a noté dans son rapport 310 du 26 janvier 2023 intitulé « Contenir l’insurrection jihadiste dans le Parc W en Afrique de l’Ouest », qu’une prise de vue aérienne dans le cadre d’une enquête réalisée en 2021 a dénombré quelque 63.000 têtes de bétail à l’intérieur du Parc W. Elle a également observé que la population d’éléphants était tombée à 4.046 contre 8.938 en 2015. Les mouvements des groupes armés impactent en effet la faune et occasionnent des déplacements des troupeaux d’animaux.

Des cas de mouvements ont été  signalés dans la préfecture de Tône au nord du Togo, selon un autre Commandant et conservateur de parcs. « Un autre élément qui agit sur la faune est le crépitement des balles. Étant habitués au calme de la forêt, ces animaux se sentent menacés quand résonne le bruit des armes », confie-t-il.

A titre d’exemple, il raconte : « Nous avons accueilli une horde d’éléphants, environ une vingtaine, dans la préfecture de Tône. Mais faute de moyens pour leur créer un environnement propice qui les retient, ils sont repartis peu après vers le complexe ». Il compare ces mouvements à ceux des humains qui fuient les zones de conflits et estime en définitive que la présence des groupes armés a des impacts négatifs sur la richesse de ces parcs.

Si les populations témoignent que l’accès est difficile depuis 2019, International Crisis Group souligne que, en 2018 des groupes terroristes de la Katiba Ansaroul Islam et de la Katiba Serma sont arrivés dans le parc W. L’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GITOC) a aussi noté dans son dernier rapport paru en mai 2023 que « les gardes du parc ont remarqué une recrudescence des activités des groupes armés au début de 2019 dans les parties du parc W situées dans l’est du Burkina Faso et l’ouest du Niger (bien que des combattants soient peut-être arrivés dans le Parc dès 2018) ».

Le Groupe de soutien aux musulmans et à l’islam ou Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM), Ansaroul Islam et l’État islamique de la province du Sahel (ISSP) sévissent aussi dans le complexe WAP. « Depuis fin 2019-2020, ces groupes opèrent dans la région de l’Est du Burkina jusqu’en territoire béninois et togolais dans le complexe WAP », selon l’ONG Armed conflict location and Event data project (ACLED). Une organisation qui répertorie les victimes des conflits dans le monde.

Cette présence des groupes terroristes est marquée par des attaques de postes forestiers et des campements touristiques. A Tillaberi, région située à l’ouest de la capitale nigérienne, précisément dans le parc du W et dans les dunes de Kareygoru non loin de Niamey, des établissements hôteliers sont aujourd’hui fermés pour cause d’insécurité liée au terrorisme.  « Ce qui a eu comme conséquence l’arrêt des activités et la mise au chômage du personnel dont la majorité est issue de la région », a expliqué à la CENOZO Oumarou Siddo, promoteur de l’Agence Croix du Sud.

Cartographie du complexe WAP / @ DR

La présence des groupes armés a contribué à affaiblir les capacités d’intervention des services forestiers. La surveillance dans les aires protégées n’est plus effective. En juillet 2023, un reporter de notre équipe a rencontré un lieutenant des Eaux et forêts burkinabè, victime des actions terroristes. Affecté dans la région de l’Est depuis 2013, il a vu avec peine l’arrivée des groupes armés terroristes dans le parc W.

Le forestier confie qu’aux premières heures du phénomène, des patrouilles étaient faites. « Mais, nos éléments n’ont plus la capacité de contenir les groupes terroristes qui se sont installés progressivement dans la forêt pour opérer des enlèvements. Nous avons un personnel très réduit avec des moyens de défense insuffisants », regrette-il.

Les terroristes ont multiplié les actions jusqu’à l’embuscade contre un bus transportant des travailleurs de la mine de Boungou, contrôlée par une société canadienne, en 2019, qui a fait 39 morts. Cette attaque va contraindre le forestier et ses hommes à abandonner leur position pour se retrouver à Fada, chef-lieu de la région de l’Est (Burkina Faso). Le Lieutenant a finalement quitté l’Est pour se réfugier à Ouagadougou depuis 2021.

Le Plan d’urgence de sécurisation du Complexe  WAP, élaboré par le ministère de la Transition écologique et de l’Environnement du Burkina Faso en janvier 2022, révèle que sur l’ensemble des 29 postes forestiers dont les trois départements de l’environnement de l’Est, six sont en permanence fonctionnels et sept fonctionnent par intermittence, car les agents ont dû abandonner les postes du fait de l’insécurité.    

Ces abandons de postes de services étatiques ont permis aux groupes terroristes d’occuper plusieurs espaces. C’est plus de 722 000 hectares qui sont sous occupation des terroristes, selon un rapport sur l’état d’occupation du parc WAP fait par la Direction régionale de la Transition écologique et l’Environnement de l’Est du Burkina Faso, en janvier 2022. Huit aires protégées, sur les treize que compte le Parc au niveau du Burkina sont contrôlées par les groupes armés terroristes.

Les populations dénoncent les mauvais comportements des gardes-forestiers

Affectés pour surveiller les aires protégées, des gardes-forestiers au Burkina Faso ont souvent exacerbé le ressentiment des communautés vivant autour de ces aires. Bien que rétribués par l’Etat ou des concessionnaires privés, il est rapporté des comportements proches de l’exploitation et des cas d’injustice qui ont contribué à radicaliser certaines communautés. Comme par exemple les amendes arbitraires infligées aux populations locales.

Un responsable de la sécurité et de l’accès pour les Nations Unies dans la région Est du Burkina cité dans le rapport de GITOC, indique qu’un garde-forestier peut couper la branche d’un arbre puis imputer cette coupe au premier berger qu’il trouverait à proximité de l’acte qu’il a lui-même posé, et ensuite lui infliger une sévère amende. « Cela a vraiment renforcé les tensions et contribué à radicaliser certaines communautés », lit-on dans le rapport de cet organisme de lutte contre le crime organisé.

S’il est vrai qu’il existe un soutien général des Etats riverains et leurs partenaires pour la préservation des ressources naturelles du complexe, il ressort toutefois que l’inégale répartition des avantages tirés de ces ressources cristallise les frustrations. Aux yeux des résidents du complexe, les avantages issus de la préservation sont loin de compenser les gains qu’ils en tiraient au temps de la libre utilisation des ressources de la réserve, indique le rapport de GITOC.

Avant la préservation du complexe, celui-ci était considéré comme une source de terres, de viande de brousse et de fourrage à haute valeur nutritive pour les animaux. Avec la préservation, le tourisme y est devenu une source d’emplois et des habitants pouvaient travailler dans le complexe comme gardes forestiers, éco-gardes, guides ou responsables de l’entretien des pistes. Des femmes ont initié diverses activités économiques comme la vente de produits forestiers tels que le beurre de karité, le miel sauvage et les fruits du baobab.

Au niveau du Burkina, toute cette zone occupée est soumise à la pression de l’homme via le braconnage, les empiétements agricoles, la transhumance illégale, la pêche illégale, l’orpaillage. Certes, aucune évaluation des dégâts n’a été faite par les autorités en charge de l’environnement du Burkina, mais des rapports décrivent une dégradation préoccupante des ressources forestières et fauniques.

Selon un soldat burkinabè rencontré à Bilanga, l’une des six communes rurales de la province de Bogandé à 140 kilomètres de Fada, chef-lieu de la région de l’Est, les « terroristes occupent les zones bien couvertes comme des refuges ». « Ils en profitent pour exploiter les mines d’or », ajoute-il. Ce soldat des Bataillons d’intervention rapide n’en dira pas plus, surtout en ce qui concerne la part de responsabilité des forces de défense et sécurité dans la destruction de la biodiversité au sein du parc.     

Les actions néfastes des populations locales sur les parcs combinées aux actes répréhensibles des gardes forestiers sont  accentuées maintenant par les contrôles des terroristes. Vers Diapaga, dans l’Est du Burkina, deux groupes armés cherchent à étendre leur influence vers les États côtiers. Le plus important d’entre eux est Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) – un amalgame de groupes extrémistes violents, idéologiquement affiliés à Al-Qaïda. L’État islamique de la province du Sahel (ISSP) y est également actif, bien que ce soit dans une moindre mesure, selon GI TOC. Près du parc, il y a plusieurs sites d’or.

Site clandestin d’orpaillage / Ph : DR

L’exploitation de l’or par les groupes armés terroristes est connue des autorités burkinabè. C’est ainsi que lors du Conseil des ministres du 24 mai 2023, le Gouvernement a mis en place un groupe de réflexion pour faire des propositions d’actions pour « l’assèchement des financements du terrorisme à partir de l’exploitation minière artisanale ».

Plusieurs sources sécuritaires confirment qu’il existe une dizaine de sites d’exploitation artisanale d’or dans le complexe WAP. Après que les orpailleurs industriels y ont été chassés par les groupes armés, les mineurs artisanaux ont vu l’accès aux mines libéré, ainsi que le choix des acheteurs de l’or extrait. Dans la province de Kompienga au Burkina Faso, en bordure de la réserve de Pama (Burkina Faso), à l’extrémité ouest du complexe WAP, un groupe armé a chassé les concessionnaires de l’État auxquels les mineurs artisanaux locaux étaient obligés de vendre. Cela a permis aux exploitations minières à petite échelle de choisir des acheteurs pour leur or et d’augmenter potentiellement leurs marges bénéficiaires, rapporte GITOC.

La prise d’otages, une source de revenus pour les terroristes basés dans le Parc

Le complexe WAP et sa biosphère servent à cacher des otages en même temps qu’ils constituent une base arrière aux groupes armés. Les bois et les buissons rendant difficile la surveillance aérienne par les autorités des pays menacés et ces groupes s’en servent pour s’y cacher. D’après des témoignages des éco gardes, « les enlèvements par les combattants du JNIM sont fréquents et les otages sont souvent emmenés à leurs bases dans les zones du parc national pour décourager les frappes aériennes sur leurs positions stratégiques ». Cette biosphère sert également de base logistique importante pour leur réapprovisionnement.

Un conservateur de parcs du nord du Togo explique que la présence des groupes armés a fait fuir nombre d’agriculteurs qui ont abandonné leurs terres pour des régions moins risquées. « Nous avons vécu ces situations en live avec par exemple un petit garçon de  huit ans qui trimbalait sa grand-mère. Selon leurs propos, ils ont quitté leur village sans rien emporter », raconte-t-il.

Cette situation, poursuit le conservateur, a poussé le Togo à interdire la transhumance à travers les zones interétatiques : « Les terroristes s’assimilent aux populations pour s’attaquer aux forces armées du pays. Ils donnent l’impression d’être des bouviers, mais en réalité, ce sont des terroristes déguisés. Raison pour laquelle, lorsqu’on vous surprend dans cette zone, on vous saisit tout. La transhumance est interdite, sauf celle interne qui concerne les sédentaires ».

Une vue des animaux à l’intérieur du Parc W du Niger / Photo : MateosH40

Des éleveurs s’entendent avec des groupes armés au nord-est du complexe pour tirer avantage des pâturages, comme l’a rapporté un agent des eaux et forêts de Falmey au sud-ouest du Niger : « des transhumants sont complices des djihadistes qui prennent leur zakat et les laissent paître leurs bêtes dans le parc. Notre collègue, enlevé à Tapoa par des djihadistes il y a six mois, raconte que tous les matins, ils livrent du lait aux djihadistes dans des bidons. Les djihadistes prennent la zakat, mais ils les rassurent en leur garantissant la sécurité pour que nous les agents, ne les dérangeons pas ». Des propos confirmés par le Commandant Kpidiba Bonaventure dans les bureaux du Lieutenant-Colonel Adjei-Toure Issobou, Chef Division des aires protégées et de la faune au Togo.

Des sources locales affirment que le groupe s’oppose au braconnage et à la chasse excessive pour des motifs religieux, et a cherché à éliminer cette activité illicite du parc. Sur une base similaire, le groupe a également découragé l’abattage d’arbres pour la contrebande de bois et la production locale de charbon de bois. Des habitants autour du complexe affirment que les groupes armés ne se livrent pas au braconnage commercial, mais chassent spécifiquement certains types d’animaux, surtout pour leur subsistance.

Toutefois, il a été rapporté dans la région des trois frontières du Liptako-Gourma, commune au Mali, au Burkina et au Niger dans certaines communautés vivant aux abords du Complexe, que des groupes armés ont parfois protégé des braconniers en échange du paiement de la zakat. La particularité de la région du Liptako-Gourma réside dans le fait qu’elle est constituée de zones particulièrement enclavées et des plus déshéritées des trois pays.

Ce n’est plus un secret que le complexe WAP est devenu une vaste zone de contrebande : cigarettes, produits médicaux et autres articles contrefaits et de qualité douteuse y transitent. Un douanier béninois confie également l’existence d’un grand marché pour les motos, les pièces détachées et autres biens plus banals, tels que les vêtements et les articles ménagers. Mais c’est surtout la contrebande de carburant qui est la plus répandue, ce produit étant vital pour les groupes armés. Le fleuve Niger se révèle d’une importance réelle dans le trafic.

Un gendarme de la ville nigérienne de Gaya à la frontière avec le Bénin est formel : allez à moto au bord de l’affluent du fleuve et faites semblant de passer. Vous verrez comment les drogues traversent la rivière, et de l’autre côté, il y en a d’autres qui attendent chaque jour pour passer au Niger ».

Le même agent décrit la multiplication de débarcadères le long du fleuve : « une série de nouveaux quais et débarcadères étaient en cours de construction par des contrebandiers dans les villages de chaque côté du fleuve Niger, près des bords du parc W, apparemment en prévision de volumes élevés de marchandises passées en contrebande en provenance du Nigéria, du Bénin et du Ghana ». Le rapport de mai 2023 de la GI TOC atteste que la contrebande de carburant est répandue dans le complexe et ses zones environnantes, et des personnes à tous les niveaux de la société y sont impliquées.

Des riverains rescapés ayant fui les abords du Complexe ont certainement été témoins de situations de destruction et d’exploitation des ressources des forêts.  Malheureusement la zone reste interdite d’accès, y compris pour les journalistes.

Enquête réalisée par Frank POUGBILA (Burkina Faso), Ibrahim Manzo DIALLO (Niger) et Godson KETOMAGNAN (Togo), avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO).

Encadré : Confidences d’un ex-otage des terroristes

« Il a commencé à me frapper devant les gens. Il me traitait de traître, de corrompu, d’ennemi de ma communauté… », raconte un ancien otage des terroristes
J’ai peur de vous parler de ces gens-là (Ndlr : les terroristes) mais vous m’avez convaincu que si je le fais, c’est pour la bonne cause. Voilà, je suis originaire d’un village situé non loin du Parc W. Je connais le Parc comme le fond de ma poche. Avant, je travaillais comme garçon de courses au profit des agents du Parc du W qui étaient basés au village de Tamou, à l’entrée du Parc. J’étais leur enfant, un peu comme leurs « oreilles et yeux » dans les villages avoisinants. Je leur rapportais des informations et en même temps, j’écoulais sur les marchés ruraux ce que ces agents avaient en abondance : « les pintades, les œufs et des fois de la viande de brousse. Je brûlais avec leur permission du bois sec pour faire du charbon prisé dans les grandes villes comme Niamey ». « Tout allait bien, jusqu’au 4 décembre 2020 quand aux premières heures de l’aube, des motos aux guidons desquelles des hommes armés ont attaqué la base des forestiers de Tamou. Les agents ont vaillamment riposté mais le feu de l’ennemi était plus intense et au bout de 30 à 40 minutes de combats, tout s’était calmé. Nous avons tenté de fuir mais nous étions encerclés. Ils ont tué deux gardes et les autres ont pris la fuite. Ils ont juré de tuer celui qui bougerait. Au cours du contrôle, un terroriste que je connais car originaire du village de Alfakoara m’a appelé et a commencé à me frapper devant les gens. Il me traitait de traître, de corrompu, d’ennemi de ma communauté. Après, les terroristes ont intimé l’ordre à tous les villageois de se disperser et d’aller chez eux. Quant à moi, ils m’ont dit de porter des bagages abandonnés par les gardes forestiers et de les suivre. C’était de la nourriture. On a marché pendant plusieurs heures, jusqu’à une rive et on a traversé en pirogue. Quand nous étions arrivés, il faisait déjà nuit. Nous nous étions cachés là pour manger. On n’a pas allumé le feu au cas où l’on nous suivrait. Les arbres touffus nous ont protégés toute la nuit. Wallahi, les terroristes ne veulent pas qu’on touche aux arbres. Mais les animaux, ils les tuent par dizaines. Ils ne tirent pas sur eux. Ils les attrapent avec des pièges traditionnels. Hé, ces gens sont très malins et informés. Ils ne restent pas ensemble au même endroit. Ils bougent beaucoup et ce qui m’avait surpris, c’est le fait qu’ils enterrent leurs armes et leurs motos. Des fois, même dans l’eau, emballées dans des bâches en plastique. J’étais resté 9 mois avec eux avant que je ne sois libéré parce qu’un de mes parents a appris que j’étais vivant et gardé par ces gens-là. Il m’a dit de venir rester avec lui. Ces gens ne se rassemblent pas tous les jours. Quand ils ont une action à faire, ils se retrouvent dans le parc et reprennent leurs armes.