S’adapter à la désertification en Afrique : Une perspective critique sur les approches conventionnelles
Les perceptions de la désertification en Afrique suscitent des controverses. Les Experts scientifiques Emmanuel Chauvin, Pierre Hiernaux et Christine Raimond l’ont exprimé dans un document paru en cette année 2024 dans la collection Enjeux Sciences. Des réflexions qui soutiennent que les visions de la désertification, ses causes et ses effets varient considérablement en fonction des acteurs qui l’abordent. En Afrique par exemple, les trois experts ont mis en lumière le fait que le concept de désertification est souvent une construction coloniale, mal compris sur le plan écologique et lié aux systèmes d’activités rurales.
L’analyse scientifique de cette construction a été réalisée, mais elle est parfois adoptée sans discernement par les États postcoloniaux et les acteurs internationaux. Ces derniers utilisent souvent la désertification pour justifier leurs actions dans les domaines de l’environnement et du développement.
A les croire, les théories attribuant principalement la désertification à des causes anthropiques sont persistantes. Elles mettent la responsabilité de la dégradation des sols sur les pratiques agro-sylvo-pastorales, telles que la surexploitation, l’itinérance des cultures, l’élevage pastoral transhumant et les feux de brousse. Ces idées orientent souvent les mesures proposées pour prévenir ou remédier à la désertification, comme la sédentarisation des éleveurs, la fixation des activités agropastorales et le reboisement, impliquant parfois l’exclusion de populations et la réduction des droits d’accès.
Cependant, les sociétés rurales et urbaines vivant dans ces régions ont développé des adaptations séculaires aux climats arides, semi-arides et subhumides secs. Ces adaptations sont souvent en contradiction avec les approches préconisées par les projets de développement pour contrer la désertification.
Les écosystèmes de ces régions se sont formés en réponse à une contrainte hydrique majeure et saisonnière, associée à des températures élevées. Les pluies, survenues pendant la période où les jours sont les plus longs et les températures élevées, sont un avantage pour la végétation et l’agriculture. La variabilité dans la distribution des pluies, du ruissellement et de l’écoulement de subsurface, ainsi que la diversité de la fertilité biochimique des sols, expliquent la répartition hétérogène de la végétation et de ses productions.
Face à la rareté et à la variabilité des ressources, les sociétés africaines ont développé des adaptations diverses, articulées autour de cinq principes : l’exploitation extensive des ressources, la mobilité et la migration, la multiactivité des exploitations, la multifonctionnalité des espaces et les complémentarités régionales entre zones agroécologiques contrastées reposant sur les flux de produits.
Cette perspective remet en question les approches conventionnelles et souligne l’importance de comprendre les adaptations locales pour élaborer des stratégies efficaces contre la désertification en Afrique. La reconnaissance de la richesse des connaissances autochtones et des pratiques traditionnelles peut offrir des solutions plus durables et respectueuses de l’environnement ont-ils écrit.
Megan Valère SOSSOU