Appauvrissement des sols : Vers les vers de terre, véritables fertilisateurs des sols

Les humbles vers de terre, ces créatures souterraines qui passent souvent inaperçues, sont en réalité des acteurs clés dans la préservation de notre environnement. Ils sont bien plus que de simples créatures rampantes ; ce sont de véritables, fertilisateurs des sols dont le rôle est essentiel pour maintenir la santé des écosystèmes terrestres.

Des vers en activité

Ces petits êtres inestimables sont responsables de la digestion, de la transformation, et de la régénération du sol, et ils jouent un rôle fondamental dans le maintien de sa structure grumeleuse.

Les vers de terre, ces insatiables tubes digestifs, sont capables d’ingérer des quantités incroyables de matière organique. On estime qu’ils peuvent consommer jusqu’à 400 tonnes de matière par hectare par an. En dix ans, ils ont la capacité de digérer complètement la couche arable d’un sol sur 25 centimètres de profondeur. Les populations de vers de terre sont constamment à l’œuvre, décomposant la litière végétale à la surface du sol et la transformant en boulettes fécales, appelées « turricules », qu’ils rejettent à la surface ou dans leurs galeries plus profondes. Ce processus permet de mélanger la matière organique et minérale du sol, créant ainsi des complexes organo-minéraux sous forme de micro-agrégats qui donnent au sol sa structure grumeleuse caractéristique.

Les vers de terre ont une réelle importance dans la régulation des écosystèmes. Ils sont classés en trois catégories : les épigés, les endogés, et les anéciques. Les épigés, les plus petits, travaillent à la surface en fragmentant le couvert végétal. Les endogés, de taille moyenne, vivent sous terre, se nourrissent de matière organique déjà dégradée, et créent des réseaux de galeries horizontales. Les anéciques, les plus grands vers de terre, forment des galeries verticales profondes, jusqu’à trois mètres de profondeur, facilitant l’aération du sol et la pénétration des eaux. Ils sont également essentiels pour approfondir la couche arable.

Cependant, ces précieux architectes du sol sont en danger. La pratique agricole intensive, notamment le labour systématique, menace leur habitat. La charrue est leur ennemi numéro un, car elle détruit leurs galeries et les enfouit. La disparition des vers de terre a des conséquences néfastes sur la structure du sol, la rétention de l’eau et la biodiversité. Les pratiques agricoles qui préservent ces ingénieurs du sol sont devenues cruciales pour la santé de nos écosystèmes.

L’abandon progressif du labour est l’une des solutions préconisées pour préserver ces populations de vers de terre. Les agriculteurs qui adoptent des techniques culturales simplifiées constatent des économies significatives en coût de mécanisation, une amélioration de la santé du sol, et une réduction de l’utilisation d’engrais. Le non-labour favorise également le stockage du carbone dans la matière organique, contribuant ainsi à la lutte contre les changements climatiques.

Il est temps de reconnaître l’importance des vers de terre dans la préservation de nos sols et de promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de ces précieux alliés. En multipliant les pratiques positives, nous pouvons aider à inverser la tendance à la diminution de ces ingénieurs du sol, assurant ainsi la santé de nos écosystèmes et la durabilité de notre agriculture.

Ces informations sont des compilations des savoirs partagés par Guy Richard, Ancien Directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique. Et Frédéric Thomas, agriculteur, directeur de la revue Techniques culturales simplifiées.

Megan Valère SOSSOU




Dégradation des terres en Afrique: l’agriculture de conservation comme bouclier

L’Afrique, qui détient 60% des terres non cultivées dans le monde, se trouve confrontée à une réalité alarmante. Selon les données de Fara Africa, 65% de ces terres sont déjà dégradées, entravant ainsi la productivité agricole. Les chiffres de la Banque mondiale révèlent une statistique particulièrement préoccupante : chaque année, 50 millions de couches arables du sol disparaissent en raison de l’érosion en Afrique.

Cette constatation met en évidence la disparition progressive et totale de la fertilité des terres agricoles sur le continent africain. Malgré les efforts déployés par les organisations non gouvernementales et les gouvernements, la dégradation des terres agricoles persiste de manière critique. De nombreuses tentatives de solutions ont échoué en raison des exigences du marché de la consommation.

L’une des solutions les plus appropriées pour lutter contre ce phénomène est l’agriculture de conservation. Elle repose sur trois principes fondamentaux : la réduction du travail du sol, la couverture du sol et la rotation diversifiée des cultures. Selon le directeur de recherche en agronomie systémique au centre INRAE Occitanie-Toulouse, ces trois piliers sont essentiels pour faire de l’agriculture de conservation un moyen efficace de préserver la fertilité des sols.

Ces trois piliers clés de l’agriculture de conservation offrent des méthodes pratiques et avantageuses pour contrer la crise liée à la dégradation des terres arables. Tout d’abord, le premier principe de cette agriculture, qui consiste à réduire ou à abandonner le travail du sol, nécessite une pause temporaire de la production agricole sur les terres. Les agriculteurs peuvent ainsi préparer leurs terres en laissant certaines parcelles en jachère pendant un certain temps avant de reprendre la production.

Le deuxième principe, la couverture du sol, implique l’utilisation de débris végétaux issus des récoltes pour recouvrir le sol. Au lieu de brûler ou de jeter ces résidus végétaux, ils servent de couverture, favorisant ainsi la production et la restitution de biomasse précieuse perdue au cours de la croissance végétale. Ces plantes de couverture se décomposent naturellement pour enrichir le sol, le préservant ainsi de la surexploitation.

La troisième méthode, la rotation des cultures, implique la diversification des cultures sur une même parcelle, soit d’une saison à l’autre, soit d’une année à l’autre. Cette approche oblige les agriculteurs à varier leurs cultures. Étant donné que différentes plantes ont des besoins nutritifs distincts, le choix des semences doit être sélectif et organisé. Certaines plantes prélèvent davantage d’azote, de magnésium, et de calcium du sol, tandis que d’autres les utilisent pour produire plus, compensant ainsi la quantité prélevée.

Il existe une multitude de plantes aux fonctions fertilisantes, telles que la consoude et le pissenlit, riches en potasse, azote, phosphore et calcium. L’achillée millefeuille, riche en potasse et soufre, ainsi que la camomille, riche en calcium, sont d’autres exemples. Ces plantes contribuent à la fertilisation des sols et à la prévention de leur acidification.

L’agriculture de conservation constitue l’une des nombreuses techniques visant à conserver la fertilité des sols pour les générations futures. Au-delà de ces méthodes de conservation, les acteurs du secteur agricole doivent également éviter des pratiques nuisibles à la protection des terres, telles que l’utilisation de glyphosates, désormais reconnue comme une menace majeure pour l’écosystème. De même, les feux de brousse, utilisés comme moyen de nettoyage et de désherbage, perturbent également la fertilité des sols.

Il est impératif que l’Afrique adopte des pratiques agricoles durables pour préserver ses terres agricoles et assurer la sécurité alimentaire à long terme. L’agriculture de conservation offre un espoir dans cette lutte cruciale pour l’appauvrissement des terres, et son adoption généralisée est une étape nécessaire pour garantir un avenir prospère pour le continent.

Germain ALOZE (Stg)