Gestion intégrée du parc W: le Bénin met en place sa plateforme national

Le Bénin accueille depuis ce lundi 26 août 2024 à Cotonou, l’atelier national dédié à la mise en place de la plateforme de l’écosystème transfrontalier du complexe naturel W au Bénin. Cette activité s’inscrit dans le cadre du Projet d’amélioration de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), de la gestion et de la gouvernance fondée sur la connaissance du bassin du Niger et du système aquifère d’Ilullemeden – Taoudéni/Tanezrouft (NB-ITTAS), piloté par l’Autorité du Bassin du Niger (ABN).

Vue d’ensemble des participants

Tchokponhoue Allomasso, Coordonnateur régional du projet NB-ITTAS, a rappelé que cet atelier marque la dernière phase d’un processus entamé depuis 2020. Il vise à mettre en place une gestion rationnelle de cet écosystème de grande importance pour l’Afrique de l’Ouest, reconnu pour sa diversité floristique et faunique a-t-il souligné. Ce projet bénéficie d’un grand intérêt de la part des partenaires internationaux. Il a exhorté les participants à s’investir pleinement pour la réussite de cet atelier.

Cérémonie d’ouverture de l’atelier

Représentant le Secrétaire Exécutif de l’Autorité du Bassin du Niger, Ibro Adamou, Directeur technique par intérim de l’ABN, a exprimé sa gratitude envers les autorités béninoises, notamment le ministère en charge de l’eau, qui assure la tutelle de l’Autorité du Bassin du Niger au Bénin. Il a souligné l’importance capitale de cet atelier dans le contexte des efforts déployés depuis plusieurs années pour accompagner les pays membres de l’ABN dans la préservation des ressources naturelles du bassin du Niger.

Aurélien Tossa, Chef de service de la coopération internationale et d’appui aux structures et organes GIRE, représentant le ministère de l’Eau, de l’Énergie et des Mines, a insisté sur l’objectif principal de cette plateforme : améliorer la gestion, la gouvernance et la conservation des ressources naturelles dans 11 pays, dont le Bénin et le Burkina Faso. Il a rappelé que les écosystèmes, véritables interfaces entre nature et société, doivent être gérés de manière intégrée et participative pour garantir leur préservation.

la plénière

La plateforme, un outil pour une gestion efficace des écosystèmes

L’atelier permettra de dresser un état des lieux des écosystèmes d’importance mondiale, dont fait partie le parc W. Des plateformes nationales et régionales sont prévues autour de ces écosystèmes pour créer un environnement favorable à une meilleure gestion de la biodiversité. Après le Burkina Faso, c’est maintenant au tour du Bénin de mettre en place sa propre plateforme. Ibro Adamou s’est réjoui de la diversité des acteurs présents à cet atelier, signe du succès de l’initiative.

Cette nouvelle plateforme permettra de regrouper, analyser et produire des informations de qualité pour une gestion plus efficace des écosystèmes. Elle constitue un outil essentiel dans la lutte contre les défis sécuritaires et climatiques qui menacent ces ressources d’importance mondiale.

À l’issue des trois jours de travaux, une plateforme intégrée sera mise en place, offrant une opportunité unique aux différents acteurs d’apporter leurs contributions à la préservation de cet écosystème vital.

Abalo Towanou




Coopération transfrontalière: Vers un renforcement de la gestion coordonnée et inclusive du parc W

La préservation du Parc W préoccupe profondément l’Autorité du Bassin du Niger (ABN). Un atelier sous-régional s’est tenu du 26 au 28 juin 2024 à Ouagadougou pour valider les résultats de l’étude relative à la plateforme fonctionnelle du Parc. Les travaux de lancement de cet atelier ont eu lieu en présence de plusieurs personnalités, dont les responsables de l’ABN, du Projet NB-ITTAS et des autorités du pays hôte.

Photo de famille de la rencontre

Dans son discours de lancement, Monsieur Sèyivè Didier ZINSOU, Secrétaire Exécutif par intérim de l’ABN, a exprimé son espoir que les travaux en cours à Ouagadougou soutiendront les efforts déployés par le Bénin, le Niger et le Burkina Faso pour la sauvegarde et la préservation de la riche biodiversité du Parc W, actuellement menacée par divers facteurs.

Après la mise en place de la plateforme, des travaux de diagnostic et d’investigation ont été menés, aboutissant à la production de rapports essentiels sur l’écosystème transfrontalier du Parc. Ces rapports mettent en lumière les besoins de renforcement des capacités pour améliorer la gouvernance et la gestion durable de cet écosystème. Ils proposent également un projet pilote de démonstration pour l’écosystème transfrontalier et un mécanisme commun de surveillance de l’écosystème du Parc W.

Les parties prenantes en session

L’objectif de l’atelier de Ouagadougou est de renforcer la contribution des institutions nationales à la gestion de l’écosystème transfrontalier du Parc W. Monsieur Allomasso TCHOKPONHOUE, Coordonnateur Régional du Projet NB-ITTAS, a expliqué que l’atelier vise à développer un mécanisme de surveillance des écosystèmes basé sur des indicateurs environnementaux et à évaluer ces indicateurs à chaque niveau.

Monsieur Félix SOU, représentant du ministre de l’environnement, de l’eau et de l’assainissement du Burkina Faso, a exprimé, au nom des trois pays concernés, sa gratitude envers le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et ses agences partenaires, notamment le PNUD et le PNUE, pour leur soutien en faveur du Parc W. Il a souligné que la préservation du Parc constitue une véritable préoccupation pour les États concernés.

Après la validation des documents, la prochaine étape consistera en la mise en œuvre, dans chaque pays, des structures de gouvernance nécessaires à la gestion durable du Parc W.

Megan Valère SOSSOU




Bassin du fleuve Niger : inondations dévastatrices à Malanville, où sont passés les milliards investis ?

Depuis 2007 à Malanville, une ville située à l’extrême Nord-est du Bénin, à la frontière du Niger, des inondations emportent chaque année des humains, des bétails et des habitations ; laissant derrière elles, désolations et scènes de chaos. Pourtant, plusieurs projets sont financés à coups de milliards par des institutions internationales, pour des résultats très peu satisfaisants. Entre l’absence d’ouvrages de protection des habitations et l’inefficacité du système d’alertes de prévention des inondations, les populations de Malanville portent leur croix depuis plus de 10 ans.

Sur le fleuve Niger, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU

Début septembre 2017, Zoulémiatou, la quarantaine, a tout perdu. Cloîtrée avec ses sept enfants orphelins dans une pièce précaire en pailles, la désormais veuve, larmes aux yeux, peine encore à croire que le fleuve qui lui a tant donné, en vienne à tout lui prendre.

À Garou-Tédji, un village de la commune de Malanville à l’extrême Nord-Est du Bénin, il y a cinq ans, les inondations ont emporté son époux. Elle ne reverra jamais son corps. Non plus, la vingtaine de tonnes de produits agricoles en réserve, une épargne d’argent de plus de 800 000 F CFA, représentant deux années d’économie, soit 24 mois de travail, une habitation de trois cases, un bétail d’une vingtaine de têtes de moutons, le tout emporté par les eaux débordées du fleuve Niger. Dévastée, Zoulémiatou n’a plus de mot pour décrire la catastrophe qui a frappé sa famille en septembre 2017.

Selon les chiffres communiqués par l’actuel maire de la commune de Malanville, Gado GUIDAMI, rien que pour l’année 2020, dix mille trois cent vingt-et-une (10 321) personnes ont été victimes des inondations dans onze (11) villages. Pire, huit (08) personnes ont péri par noyade et deux mille cent-seize (2.116) hectares de cultures ont été ravagés, sans compter les habitations démolies. C’est l’équivalent du quart de la superficie totale de Cotonou, capitale économique du Bénin.

À Kotchi, un petit village enclavé de Malanville, les dégâts sont bien plus perceptibles au point où l’espoir de continuer à y résider s’amincit au jour le jour. Le lundi 30 août 2021, en pleine saison pluvieuse et donc inondation, quatre adolescentes ont perdu la vie au cours d’une traversée en pirogue alors qu’elles revenaient de ce village. Il y a plus d’une décennie déjà que ces inondations sont entretenues par des facteurs aussi bien naturels qu’anthropiques dans la commune de Malanville.

Une combinaison de causes climatiques et anthropiques

Plusieurs acteurs à Malanville pointent du doigt l’action de l’Homme à travers la déforestation excessive en faveur des activités agricoles et le changement climatique comme principales causes liées aux inondations cycliques.

Théodore ADJAKPA, géographe environnementaliste, auteur de plusieurs études scientifiques sur les inondations dans le bassin du fleuve Niger, soutient que les populations à la recherche de terres agricoles ont contribué excessivement à la déforestation en occupant les zones inondables du bassin du fleuve Niger. Une situation qui a occasionné l’ensablement du fleuve. « Le bassin a perdu une bonne partie de son couvert végétal, exposant ainsi les sols nus à l’érosion hydrique et éolienne » a-t-il expliqué. Ce qui aurait entraîné de forts ruissellements et de faibles infiltrations.

Une réalité confirmée par une étude scientifique intitulée « Fleuve Niger et les changements climatiques » qui a indiqué que les débits maximaux annuels du fleuve Niger ont fortement diminué, passant de 41 % avant 1970 à 23 % de nos jours. En effet,  l’ensablement, favorisé par la dégradation du couvert végétal des versants de la vallée, tapit le fond du fleuve et réduit le rythme de circulation favorable aux crues.

Pour le géographe-environnementaliste, le facteur principal des inondations dans le bassin du Niger demeure la concentration des précipitations saisonnières sur une saison pluvieuse dont la durée se réduit d’année en année. Autrement dit, le changement climatique  se manifeste par une mauvaise répartition des pluies avec une réduction très perceptible de la saison pluvieuse, augmentant ainsi l’agressivité climatique sur un sol faiblement couvert. À l’en croire, cette situation est favorisée également par la sécheresse récurrente, observée au cours des années 1970 et 1980.

Aussi, a-t-il ajouté, la hauteur importante des pluies au mois d’août avoisinant 255 mm en moyenne et la forte pluviométrie en amont du fleuve du Niger en Guinée entraînent des inondations catastrophiques dans le bassin du fleuve Niger. Et pourtant, depuis le début des inondations en 2007, un montant global de plus de 25 milliards de Francs CFA a été englouti dans divers projets censés prévenir les catastrophes.

Malanville, Crédit photo : Megan Valère SOSSOU

Pluie de milliards sur Malanville

A Malanville, les projets censés protéger les populations se sont succédés, mais aucun ne s’est jamais donné pour mission de construire un ouvrage capable d’endiguer les inondations. Inoussa DANDAKOUE, Maire de la commune de Malanville de 2015 à 2020, reconnaît les dysfonctionnements : « La plupart des projets qui sont intervenus, je ne les vois pas aller loin. Parce que leurs actions ne sont pas suivies. Ceux qui sont censés appliquer les actions ne les conçoivent pas bien ».

Pour l’actuel Maire, Gado GUIDAMI, il y a un certain cafouillage dans la réalisation des projets, ce qui a entraîné une absence d’efficacité. « Une bonne partie des interventions des projets ou ONG vient pour secourir. Aucun projet n’a été spécifiquement dédié à la lutte contre les inondations dans la commune », nous a-t-il confié.

À en croire Yacoubou TOROU, Responsable Risque et Catastrophe à la mairie de Malanville, plusieurs projets sont intervenus, notamment le projet Système d’Alerte Précoce (SAP-Bénin). Initiées suites aux dégâts causés par les inondations en 2010, ce projet a pour objectif de renforcer les capacités de surveillance météorologique, climatique et hydrologique, afin de créer des Systèmes d’alerte précoce (SAP) et d’information pour répondre à des conditions météorologiques extrêmes et planifier l’adaptation au changement climatique au Bénin.

Financé en 2013 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Fonds pour l’Environnement Mondial, ce projet a englouti 9 255 774 500 de FCFA pour  un résultat mitigé. Selon le rapport final du projet que nous avons consulté, le développement de conseils hydrologique/climatologique/météorologique répondant aux besoins d’acteurs socio-économiques n’a pas été réalisé et toute une série d’outils et études non réalisées (partenariat SAP-Communes absent, Portail d’accès libre aux données et informations et plate-forme mobile-phone de conseils agricoles non réalisé, étude portant sur les Proportions des populations (H/F) utilisant les alertes et informations climatiques non disponibles…).

Comme la famille de Zoulémiatou qui a tout perdu, les alertes sont nécessaires pour les personnes vulnérables (activités agricoles dans les lits des cours d’eau, pêcheurs artisanaux, populations vulnérables avec constructions précaires le long des cours d’eau, villages de pêcheurs). Selon le rapport final du projet, « les activités de communication et sensibilisation des populations ont été minimes durant le projet« . « Les activités du projet n’ont pas un impact direct sur les populations« , précise le rapport.

Le projet a prévu la réalisation et la diffusion, via des radios locales, des messages d’alertes en langues locales, pour prévenir les populations des risques d’inondations. Mais, la ville de Malanville ne disposait pas de radio locale. Aucun des experts ayant travaillé à l’élaboration du projet ne s’en est rendu compte. Finalement, c’est la Radio Fara’a FM de Gaya au Niger près de la frontière du Bénin et la Radio du service public (Ortb) dont l’antenne régionale est située à près de 300 km de Malanville, qui ont servi de canaux de diffusion de messages d’alertes, mais ceci sans un réel impact. En témoigne le rapport d’évaluation du dispositif de production et de diffusion des alertes aux inondations du fleuve Niger qui conclut que : « l’absence de radios locales qui émettent en langue compréhensible par les populations riveraines a affecté négativement la réussite du dispositif d’alerte ».

Osséni Gayouga est riziculteur à Monkassa, l’un des villages les plus vulnérables aux inondations à Malanville. Il déplore : « Chaque année, les eaux nous surprennent toujours. Aucune alerte n’a rien prévenu ici. Comme on n’a jamais su quand elles venaient, on ne sait jamais quand elles devraient aller ».

Dans la même commune, en dehors du projet SAP Bénin, un autre projet financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) censé lutter contre les effets du changement climatique, a été déployé, sur quatre ans. Plus de 07 milliards de FCFA y sont passés, sans que les objectifs fixés soient atteints.

Riziculture de contre saison à Bodjécali, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU

Dans le même bassin, la Banque Africaine de Développement (BAD) a financé un Programme pour lutter contre l’ensablement du fleuve Niger. Intitulé Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le bassin du Niger (PIDACC), il est mis en œuvre par l’Autorité du Bassin du Niger, une institution créée en 1980 pour assurer un développement intégré du bassin et promouvoir la coopération entre les 09 pays traversés par le fleuve Niger (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigéria et Tchad).

Ce programme dont la première phase a amorcé la lutte contre l’ensablement et l’érosion hydrique à l’échelle du bassin a connu une seconde phase. D’un budget de plus de 09 milliards, cette deuxième phase vise à préserver les écosystèmes du bassin à travers la réduction de l’ensablement du fleuve Niger. Trois ans après son lancement, ce projet, censé prendre fin en 2025, connaît jusqu’en 2022 des résultats qui sont très loin des attentes sur le terrain. Le taux de décaissement en est encore à 1 % à la date du 25 janvier 2022, selon le rapport de l’équipe du programme.

Encore faut-il noter qu’au sein du même projet, des conflits de compétence au niveau de certaines équipes de mise en œuvre ont conduit à la démission de plusieurs cadres du programme. Cette léthargie est partagée par tous les acteurs intervenants dans ce projet, à partir de la Banque Africaine de Développement (BAD), jusqu’aux unités de gestion du programme dans chacun des pays sous tutelle de l’Autorité du Bassin du Niger, selon le même rapport.

Worou Wara ADAMOU, Coordinateur National du PIDACC au Bénin explique : « C’est vrai qu’il y a eu des cascades de démission. Les raisons sont liées au traitement salarial et aux avantages directs des cadres. » A l’en croire, le faible taux de décaissement enregistré se justifierait par le retard accusé dans le recrutement et les travaux des bureaux d’étude. Conséquence, les populations continuent de faire face impuissamment aux inondations destructives et fatales au vu et au su des pouvoirs publics qui y accordent très peu d’attention et d’actions probantes.

« Ce que je suis venu voir est ahurissant, alarmant »

À la suite des inondations de 2015, Placide AZANDE, le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Boni YAYI, s’était rendu le mercredi 16 septembre 2015 au chevet des populations de la commune de Malanville. Il a, pour l’occasion, annoncé que le génie militaire se mettrait à l’œuvre pour construire des digues afin d’éviter de nouvelles inondations. Une promesse politique jamais tenue, après quoi, les inondations continuent de dicter leurs lois.

Cinq ans après, et à la veille de l’élection présidentielle de 2021, une tournée parlementaire a été conduite par l’actuel président de l’Assemblée nationale, Louis Gbèhounou Vlavonou. Il est allé à la rencontre des populations victimes d’inondations à Malanville. Face aux nombreuses préoccupations exprimées, le Président de l’Assemblée Nationale a répondu : « … Je pourrai porter directement la voix des sans voix que je suis venu voir, en personne au chef de l’État. Je pourrai lui dire que ce que je suis venu voir est ahurissant, alarmant ». Plus d’un an déjà et rien de concret.

La preuve que cette partie du Bénin bénéficie de peu d’attention aux yeux des politiques dont le seul intérêt est de venir faire la quête électorale. Un sentiment largement partagé au sein de la population à Malanville. « Malanville ne fait pas partie du Bénin ? », s’interrogera Abdel Aziz FAYOMI, jeune aviculteur à Bodjécali, commune de Malanville.

Malanville entre résilience et résistance

Il y a plus de vingt ans que Bouraima Moukaila, alias « Coach », vit à Galièl, quartier le plus populaire de Malanville. De concert avec d’autres jeunes du quartier, il a initié la construction d’un ouvrage de franchissement grâce à une collecte de fonds, dont il est énormément fier : « Cette initiative citoyenne nous a permis de réaliser ce pont dont l’efficacité n’est plus à démontrer ».

Pont réalisé sur l’initiative citoyenne des jeunes de Galiel, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU

À Malanville, la majorité des habitations est faite de paille et de tôle pour non seulement amoindrir l’ampleur des dégâts liés aux inondations, mais aussi éviter la ruine. Elles sont récupérables et limitent les décès contrairement aux habitations en terre battue. L’élu local de Galiel, GARBA Oumorou ne s’est pas empêché de faire de même. Car, a-t-il confié, les inondations à Malanville n’épargnent personne.

Type d’habitation répandue à Malanville, Galiel, Crédit photo : Megan Valère SOSSOU

Une zone occupée par les riziculteurs et maraîchers au nord-ouest de la commune est quant à elle protégée par une grande digue de 5 km réalisée par la coopération chinoise en 2006. Au regard de l’efficacité de cet ouvrage, les acteurs sont unanimes qu’il n’y a que la construction d’ouvrages de protection qui pourra pallier le problème.

Au contraire, selon nos recoupements, la grande majorité des investissements (60 %) est dépensée dans les projets de secours chaque année, après donc la survenue des inondations et leurs dégâts, contre une part relativement moyenne (30 %) pour les projets de prévention, donc de sensibilisation et de production d’informations agrométéorologiques. Les investissements dans des constructions d’ouvrages de protection, d’endiguement et d’aménagement hydro-agricole sont encore plus faibles (10 %). Pourtant, tous les acteurs rencontrés reconnaissent que la réalisation d’ouvrages constitue la solution durable.

Auteur : Megan Valère SOSSOU

Pour définitivement tourner le dos aux inondations, un plaidoyer a été lancé en 2018 par la Plateforme de Gestion des Risques et Catastrophes liés au Changement Climatique. L’objectif est d’inciter à la construction d’une digue longue de plus de 100 km. Cette digue doit quitter la limite Karimama-Malanville à l’ouest, pour la limite Malanville-Nigéria à l’est.

Ibrahim SAFIRI, géomorphologue, spécialiste en aménagement des eaux de surface en appelle à une synergie d’action entre le Niger et le Bénin pour plus d’efficacité dans la lutte. Car constate-il, « du côté du Niger, les efforts qui ont été faits sont un peu plus importants que ce qui est fait du côté du Bénin ».

Un risque catastrophique permanent

En raison de l’engloutissement des milliers d’hectares de cultures, de récoltes et de la contamination du système d’approvisionnement en eau potable par les eaux d’inondation, la famine, la migration et l’épidémie de choléra constituent l’épée de Damoclès qui plane sur la commune de Malanville.

A l’image des inondations catastrophiques de 2010, les scientifiques soutiennent qu’un phénomène de grande ampleur reviendrait au moins chaque 10 ans. Il n’y a donc plus de doute sur l’imminence d’une nouvelle catastrophe climatique avec à la clé des conséquences sur la santé, l’économie, l’éducation et sur les réseaux de téléphonie, d’électricité, d’eau, d’infrastructures routières.

Pourtant, Malanville dispose d’un potentiel économique important. Elle abrite le 2e plus grand marché du Bénin dont les recettes en 2020 par exemple affichaient 105 813 150 de FCFA à la régie autonome. Il s’agit de l’un des plus grands marchés céréaliers et maraîchers de la sous-région ouest africaine. La commune de Malanville joue aussi un rôle crucial de transit de marchandises depuis le port de Cotonou par son poste frontalier. Il urge d’endiguer définitivement les inondations pour le bien-être socio-économique et environnemental de Malanville et ses environs.

Toutefois, retenons que la persistance des inondations à Malanville incombe non seulement aux différents projets exécutés sans succès ou grand succès, mais aussi au pouvoir public béninois qui accorde très peu d’attention à la résolution définitive du problème qu’à jouer le médecin après la mort.

Enquête réalisée par Megan Valère SOSSOU avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)

Comme à Malanville, commune du Bénin, les populations de la localité de Gaya au Niger souffrent toujours des inondations malgré les milliards injectés. Les résultats de la même enquête réalisée par notre confrère Nigérien Nasser ZADA sont à retrouver en version audio ici




« 2023 sera une année charnière du PIDACC au Bénin » WOROU WARA Adamou, Coordonnateur National du PIDACC/BN au Bénin

WOROU WARA Adamou, Coordonnateur National PIDACC/BN Bénin

Renforcer la résilience des écosystèmes et des populations affectées par le changement climatique dans le bassin du fleuve Niger au Bénin, c’est l’objectif du Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger. Plus de deux ans après son lancement officiel par la Banque Africaine de Développement, le gouvernement du Bénin et l’Autorité du Bassin du Niger, nous sommes allés à la rencontre du Responsable au niveau national du programme au Bénin.

Journal Santé Environnement : Bonjour Monsieur, Veuillez-vous présenter s’il vous plaît ?

Je suis WOROU WARA Adamou. Coordonnateur National du Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger (PIDACC/BN Bénin).

Journal Santé Environnement : Comment est-ce qu’on est venu au Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger ?

WOROU WARA Adamou : Pour en venir au PIDACC, il y avait un projet précurseur. Le Programme de Lutte Contre l’Ensablement du fleuve Niger dénommé PLCE. Un programme pilote initié et exécuté entre 2007 et 2012 dans trois pays le Niger, le Burkina Faso et le Mali. C’est au regard des résultats obtenus par ce programme qu’il a été décidé de l’étendre dans l’ensemble des neuf pays membres de l’Autorité du Bassin du Niger. Le PIDACC s’exécute donc dans cet espace. Au plan national, il a été lancé en décembre 2019 pour une durée de six (06) ans.

Journal Santé Environnement : Au menu de ce programme, quelles sont les principales actions prévues et comment se déroulent -elles au sein des communautés ?

WOROU WARA Adamou: Le Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger a trois composantes. La première est liée à la préservation des écosystèmes dans le bassin du fleuve Niger, la seconde à la résilience des populations au changement climatique et la troisième à la gestion de la coordination du projet.

En ce qui concerne la première composante, des actions essentielles sont prévues. Vous savez que la zone a été sujette de déforestation excessive en particulier la portion nationale qui subit des dégradations avec l’agriculture sur brûlis.

Alors, il a été prévu le traitement de plus de 2500 m3 de ravins. Le développement de l’agroforesterie. Les populations sont désormais amenées à faire de la plantation associée à l’agriculture. Donc il y a un certain nombre d’essences qui sont mises à la disposition des populations pour être plantées sur 1000 hectares.

Des travaux de défense et de restauration des sols, de traitement biologique des ravins et des études telles que le schéma directeur du sous-bassin du Niger, portion nationale sont prévus. Des actions de soutien à la couche vulnérable. De façon globale, des sous-projets sont élaborés par les populations et sont financés par le PIDACC selon les besoins. Quelques-uns sont déjà connus à savoir : la zone cynégétique de la Djona, au niveau du parc W et qui fait objet de réhabilitation sur 450 hectares, la rôneraie de Goroubi entre Malanville et Karimama sur 550 hectares pour régénérer le sol.

Journal Santé Environnement : Que dire donc de la deuxième composante qui a trait aux ouvrages ?

WOROU WARA Adamou : Oui, pour être résilient la population a souvent besoin d’ouvrage. Il est prévu également dans la composante 2 du PIDACC, la réhabilitation de quelques micros-barrages à vocation agropastorale. Ils sont au nombre de cinq. La construction des barrages qui seront des infrastructures à but multiples disposées pour l’agriculture, l’élevage et la pêche.
Ainsi, il est prévu trois barrages, dont un à Dougoulaye (Gogounou), un à Gamia (Bémbereke) et un autre à Dounkassa (Kalalé). En aval de ces barrages, nous comptons aménager 100 hectares par site donc au total 300 hectares à aménager pour les cultures de contre saison et le riz. Dans le même ordre, nous avons des bas-fonds à aménager sur 100 hectares et la réalisation des magasins de stockage des produits agricoles.

Nous avons des infrastructures qui vont en appui à la lutte contre le changement climatique. Par exemple, compléter à la digue de protection existante, une autre digue sur cinq (05) kilomètres de façon à protéger les populations contre les inondations cycliques.

Il y a deux embarcadères/débarcadères à faire à Malanville et Karimama. Nous aurons à aménager le tronçon de navigation entre Malanville et Karimama pour éviter les noyades.

Puisque le poisson se fait rare dans la zone du bassin du Niger. Un centre d’alevinage sera construit. Aussi, allons-nous développer la pisciculture en cage flottante. Les barrages ont été déjà identifiés bientôt des poissons serons produits en cages flottantes.

La construction de la digue à Malanville nous tient beaucoup à cœur, car par le passé, il y a une digue qui a été réalisée, mais qui ne protège qu’une partie de la population. L’autre partie étant laissée, nous pensons que si nous complétons sur 5 km, elle pourrait réduire les inondations que nous remarquons chaque année à ce niveau. Des hangars et ponceaux sont entre autres infrastructures qui seront réalisées pour la résilience des populations. C’est là, les actions phares sur lesquels nous avançons tout doucement.

Il y a des activités qui ont démarré. D’autres attendent parce que nous sommes en train d’achever le recrutement des gros bureaux d’étude qui vont non seulement réaliser les DAO, mais qui vont aussi contrôler aussi les activités. Nous sommes à la phase presque terminale.

Journal Santé Environnement : Jusque-là, connaissez-vous des difficultés dans l’exécution de ce programme ?

WOROU WARA Adamou : Oui, des difficultés ne manquent pas en matière de gestion de projet. La première difficulté a été l’absence d’un relais terrain. Mais un bureau d’ingénierie sociale est en train d’être recruté pour mettre à disposition des animateurs qui faciliteront les interventions dans les treize (13) communes que couvre le bassin. Ils seront dès lors, l’interface du projet avec les populations.

L’autre difficulté a été le siège du programme. Dans les documents, le projet doit siéger à Kandi. Nous avons siégé de mi 2020 à mi 2021. Mais il a été constaté que le résultat était difficile à avoir parce que dans le système de passation de marché, il fallait se recourir chaque fois à notre ministère de tutelle. À plus de 700 km de Cotonou, le suivi de nos dossiers a été très difficile.
Ainsi, il a été pris la résolution de déplacer le siège proche du ministère de tutelle afin de liquider les dossiers de passation de marché. Donc, plus tard, on va avoir une antenne mi 2023 à Kandi. L’autre difficulté est liée à la menace terroriste. Nous sommes encore en train de mener des activités surtout à côté du parc W, mais on était obligé d’arrêter. Toutefois, des mesures non moins aisées sont en train d’être prises afin de poursuivre.

Journal Santé Environnement : Quel est la particularité du programme ?

WOROU WARA Adamou : Dans le cadre du programme, nous avons à identifier des couches vulnérables avec qui des actions ponctuelles seront faites. Ces couches vulnérables sont à la fois des groupements de femmes ou des groupements de jeunes qui vont bénéficier d’un certain nombre d’appuis pour des activités génératrices de revenus.

Il y a à Malanville une bonne partie de l’eau envahie par les plantes aquatiques. Au lieu de ramasser ces plantes incessamment, nous allons le transformer en sous-projet. À Malanville, elles seront transformées en compost et utilisées comme fertilisant. À Karimama, ils ont voulu en faire du fourrage pour le bétail.

C’est autant de choses que nous allons développer. Ça ne fait que commencer. Il y a aura des formations à l’endroit des populations à la base. Le compact riz, le compact maïs, et même le compact blé qu’on va introduire dans la zone. Donc c’est vraiment tout un package d’actions.
Des populations à la base seront amenées à se mettre en groupement pour porter des sous-projets. C’est-à-dire que même si le projet prend fin, les populations peuvent prendre le relais sur la base des acquis.

Par exemple, nous avons traité des ravins à Mamassy Gourma (Karimama). En le faisant, nous avons insisté pour que les populations soient impliquées en termes de main d’œuvre. L’impact socioéconomique et environnemental sur les populations a été énorme. Le ruissellement s’est presque annulé.

Journal Santé Environnement : L’avenir s’annonce donc prometteur pour les populations vivant dans le bassin du fleuve Niger ?

WOROU WARA Adamou : Il faut noter que le Bénin fait partie des pays ayant sorti la tête au plan régional en termes d’avancé. Nous comptons encore redoubler d’efforts. Fort heureusement nous allons commencer 2023 avec les différents bureaux d’étude et le boom sera d’un trait. Les actions que nous menons actuellement témoignent de ce que 2023 sera une année charnière du PIDACC au Bénin.

Journal Santé Environnement : Merci Monsieur le Coordonnateur d’avoir répondu à notre interview

WOROU WARA Adamou : C’est moi qui vous remercie.

Propos recueillis par Megan Valère SOSSOU et transcrits par Constance AGOSSA