Doit-on payer les femmes pour la gestion de leurs menstrues ?

Si cette question paraît un peu bizarre, sa réponse constitue un couteau à double tranchant. Au Bénin comme dans les autres pays du monde, de nombreuses femmes souffrent de douleurs pendant les règles, au point qu’il est difficilement compatible avec leur vie professionnelle.

Récemment l’Espagne a décidé de permettre à ses employées de demander un congé menstruel en cas de règles douloureuses. Autrement dit, en cas de douleurs menstruelles, elles peuvent prendre huit heures de congé par mois. Ces heures devront être récupérées. Mais, le congé pour douleurs menstruelles existe déjà, et parfois depuis fort longtemps, dans un certain nombre de pays du monde. Selon Santé Magazine, c’est le Japon qui, dès 1947, est le premier État qui a instauré un congé menstruel. Dans ce pays, c’est l’employeur qui détermine la durée autorisée des absences, ainsi que le caractère rémunéré ou non, explique Nouvelobs.com, qui indique que peu de femmes prennent ce type de congé. Il sera suivi de l’Indonésie, en 1948, où un article de la loi sur le travail autorisait chaque femme à bénéficier de deux jours de congé rémunérés par mois. La législation indonésienne a été modifiée par la suite : la salariée doit négocier avec son employeur les modalités de ce congé. Et celles qui veulent en bénéficier sont susceptibles de subir un examen médical afin de prouver qu’elles ont bien leurs règles. En Corée du Sud, depuis 2001, un article du droit du travail autorise chaque employée à prendre un jour de congé non rémunéré par mois. À Taïwan, selon une législation de 2013, les femmes ont trois jours de congé menstruels payés par an. Même si ces heures sont rémunérées, cela un impact sur leur fiche de paie à la fin du mois, dans un pays où les salaires présentent d’importantes inégalités entre hommes et femmes. Aux Philippines, le congé menstruel existe mais, peu de femmes le prennent, car cela à un impact sur leur salaire.

Des pas ont été faits dans quelques pays

Même en Zambie, dès 2015, un jour de congé pouvait être octroyé aux employées qui souffraient en raison de leurs règles, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. Les femmes qui voulaient en bénéficier ne devaient fournir aucune justification particulière et pouvaient prévenir leur employeur le jour même de leur absence. Ce dernier s’exposait à des poursuites s’il refusait d’octroyer ce jour de congé. Mais le texte de cette loi manquait de précision quant au cadre légal ou administratif à appliquer. Récemment (2017) en Italie, le parlement a discuté d’une proposition de loi octroyant trois jours de congé par mois, sans perte de salaire et payé par la Sécurité sociale, aux femmes souffrant de règles douloureuses. Mais ce texte n’a pas été voté à ce jour. En l’absence de législation, les femmes fonctionnaires du public et du privé au Bénin tentent comme elles peuvent de gérer leurs menstrues. Catherine A. est une Secrétaire Administrative dans l’un des services décentralisés de l’État au centre Bénin. Elle pense que c’est une justice faite aux femmes et que le Bénin doit suivre la dynamique. À la question de savoir comment elle traite ses menstrues. C’est compliqué, a-t-elle d’une voix douce avant de pointer du doigt le manque de toilettes adaptées à la femme. Comme Catherine A., elles sont nombreuses à traiter leurs menstrues avec beaucoup de difficultés. Des difficultés qui ne sont pas sans effets sur le rendement professionnel selon la majorité de chef d’entreprises rencontrés. Dans le même temps, d’aucuns estiment que, permettre un congé payé menstruel à toutes les femmes, pendant qu’on parle d’égalité (50 %), ne serait pas efficace pour la durabilité des entreprises et par ricochet de l’économie nationale. Au regard du nombre de femmes qui subissent des douleurs menstruelles au Bénin, le congé payé menstruel ne peut que s’apparenter à un mythe jusqu’à ce que la réalité s’impose un jour.

Constance AGOSSA