6è édition du One Forest Summit au Gabon : les punchlines d’une activiste Tchadienne à Macron et aux Chefs d’États Africains
Co-organisée par la France et le Gabon, la 6e édition du One Forest Summit a eu lieu au Gabon, à Libreville du 1er au 2 mars 2023. Ce sommet qui a réuni plusieurs Chefs d’États africains, le Président Français, les dirigeants politiques, chefs d’entreprises, scientifiques et ONG d’une vingtaine de pays, est axé sur la conservation des forêts, la protection du climat et la biodiversité, notamment dans les trois bassins forestiers tropicaux : le bassin du Congo, la forêt amazonienne et les forêts d’Asie du Sud-est. À ladite réunion internationale, l’activiste Tchadienne Hindou Oumarou Ibrahim a profité pour rappeler aux Chefs d’États leur rôle dans la protection de l’environnement.
‹‹ Excellence mesdames et messieurs. J’ai deux propositions à vous faire en tant que femme autochtone, devant vous. La première concerne les Chefs d’Etats des Gouvernements, les dirigeants africains ››. Ce sont là, les premiers mots de Hindou Oumarou Ibrahim, qui attire l’attention des dirigeants africains sur leur rôle quant à la protection de l’environnement. Sans langue de bois, elle interpelle les Chefs d’États africains en ces termes : ‹‹ c’est à vous, à nous, de protéger notre forêt. On ne va pas attendre les autres pour venir nous protéger. Je vais vous dire comment vous allez le faire ››. Comme pour incriminer la politique de la main tendue, l’activiste Tchadienne rappelle aux gouvernants africains comment ils peuvent sans l’aide de l’extérieur, prendre le problème du changement climatique à bras-le-corps.
Selon l’activiste protectrice de l’environnement et défenseuse des droits des peuples autochtones, tout doit se reposer sur la gouvernance participative, qui inclut les acteurs, les peuples à la base. Pour Hindou Oumarou Ibrahim, les premiers piliers principaux à respecter sont les droits fonciers aux communautés autochtones. ‹‹ Sans ces droits fonciers, nous ne pourrons pas conserver nos savoirs traditionnels et les transmettre de génération en génération. Nous puisons nos savoirs parce que nous avons les droits sur nos terres et connaissons comment l’exploiter ››, a-t-elle expliqué par la suite.
Toujours droit dans ses bottes, elle envoie un message fort aussi bien aux présidents africains présents à ce sommet qu’à tous les autres. ‹‹ Vous avez signé à la COP 15 la protection des 30 % de la biodiversité. Alors je vous invite tous, à rentrer chez vous ; à prendre les peuples autochtones comme des acteurs ; à construire, pas pour eux, mais avec eux, des cadres de mises en œuvre claire ››, car, soutient-elle, c’est elles qui sont les experts. Experts en ce sens où ‹‹ on ne reste pas dans les bureaux ; on est sur le terrain pour planter des arbres et pour les protéger ››, a-t-elle conclu avant de sonner la seconde sonnette d’alarme.
Un fonds de 100 millions d’euros encore alloué
Il a été adopté par les Présidents présents à cette 6è édition du One Forest Summit, un plan de création d’un fonds à hauteur de 100 millions d’euros. « Nous allons mettre 100 millions d’euros additionnels pour les pays qui souhaitent accélérer leur stratégie de protection des réserves vitales de carbone et de biodiversité dans le cadre des partenariats », a déclaré le président français Emmanuel Macron au sujet de partenariats de « conservation positive ». La Fondation Walton participera à hauteur de 20 millions d’euros, Conservation international pour 30 millions d’euros et la France met sur la table 50 millions d’euros, a détaillé le président français.
Ces 100 millions d’euros, à l’en croire, serviront à financer un mécanisme de rémunération des pays exemplaires dans la conservation des forêts et la sauvegarde de leurs stocks vitaux de carbone et de biodiversité, via des « certificats biodiversité ». Ces certificats pourront être échangés avec des États souverains ou avec le secteur privé « au titre de contribution à la protection de la nature », a précisé le chef de l’État français. Un discours ou un simple accord comme tant d’autres, se demande plus d’un. À juste titre, la seconde proposition de l’activiste Tchadienne Hindou Oumarou Ibrahim indexe lesdits accords.
L’activiste droit dans ses bottes face à Emmanuel Macron et les pays du Nord
‹‹ Il est où l’argent ? ››, a demandé l’activiste Tchadienne Hindou Oumarou Ibrahim à Emmanuel Macron et aux pays du Nord en général, parlant de leurs maints engagements quant au financement climatique. Il s’agit entre autres de ‹‹ l’Accord Copenhague, le repli sur le financement, le dernier à Glasgow sur le financement de 15 milliards de dollars pour les forêts y compris 1,5 pour les peuples autochtones pour les forêts ››, pour ne citer que ceux-là. Et voilà encore un autre qui se pointe à l’horizon.
‹‹ Nous ne pouvons pas continuer à vivre sur les engagements que nous allons vous donner. Nous voulons les cash sur la table : pour que ma grand-mère, ma cousine, mon oncle, puissent avoir accès direct à son financement afin de mettre en œuvre les vrais projets qui vont vous protéger ››, a tonné Hindou Oumarou Ibrahim. Quant à la gestion des fonds qui préoccupe les bailleurs de fonds, l’activiste pense que ce n’est pas un problème. ‹‹ Si les autochtones dans le monde, protègent 80 % de la biodiversité mondiale, qu’est-ce qui nous empêche de gérer votre petit financement ? Peut-être que les méthodes que nous utilisons ne sont pas aussi excellentes que les vôtres, mais on peut gérer les forêts mieux que vous ››, a-t-elle fait savoir.
D’ailleurs, les pays du Nord semblent avoir une bonne raison de tenir leur engagement, en termes de financement climatique : la pollution dont font preuve leurs industries. Emmanuel Macron a par exemple expliqué lors de ce sommet que les forêts gabonaises captaient l’équivalent d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre françaises. Quid des retombées des autres pays du Nord sur l’Afrique ? Le bilan est certainement lourd. C’est pourquoi en ce qui concerne le financement climatique, l’heure n’est plus aux discours, pense l’activiste. ‹‹ On vous a fait confiance pour détruire notre environnement. Maintenant, c’est à vous de nous faire confiance pour le reconstruire ››, a laissé entendre Hindou Oumarou.
Toutefois, elle n’a pas manqué de saluer les nouvelles initiatives, des partenariats positifs pour la nature. ‹‹ Ces partenariats doivent être pour les communautés, par les communautés, pour un accès direct au financement, parce que nous les autochtones sommes les CEO (Chiefs Ecological Officers). Nous sommes donc les meilleurs acteurs de mise en œuvre de tout ce qui concerne notre environnement. Vous êtes prêts pour ce pacte ? Je l’espère, parce que je veux que vous vous engagiez sur ce bateau avec nous ››, a-t-elle suggéré.
Qui est Hindou Oumarou Ibrahim ?
Née en 1984 à N’Djaména, Hindou Oumarou Ibrahim, est une géographe et militante Tchadienne. Membre de la communauté peule Mbororo du Tchad, elle milite pour la protection de l’environnement et la promotion des droits de l’homme et des droits des peuples autochtones. Son expertise est régulièrement sollicitée dans les négociations sur le climat. Son engagement est récompensé par de nombreux prix nationaux et internationaux. Elle fait partie des 100 femmes africaines les plus influentes d’après le classement 2021 d’Avance Media Africa. Du haut de ses 39 ans dont 24 ans de militantisme, Hindou Oumarou Ibrahim veut croire que l’avenir de la lutte contre le changement climatique se trouve en Afrique. Son discours à cette sixième édition du One Forest Summit a égayé plus d’un. Même les présidents Gabonais et Français l’ont applaudi tout au long de son plaidoyer.
Arsène AZIZAHO