Pisciculture : La vie reprend près du lac Toho au Bénin

En mai 2018, le Lac Toho, au Sud-Ouest du Bénin, a connu la mort de milliers de poissons. Aujourd’hui, les riverains construisent l’avenir autour de la pisciculture, avec l’appui du Projet d’investissement pour la résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest (Waca ResIP). Retour sur cette transformation à Kpinou, dans la commune de Athiémé.

Ferme Wizard sur la berge du Lac Toho. En face, une succession d’étangs où les poissons se font discrets. « Nous les avons nourris il n’y a que peu de temps, donc ce n’est pas le moment de les pêcher », confie Armel Coffi Gbékan, l’un des responsables de ce site de cinq hectares situé sur les berges du lac Toho, à Kpinnou, commune d’Athiémé, à 100 km de Cotonou. Au loin, un milan à bec jaune surgit, survole les étangs et reste dissuadé par des filets qui couvrent les étangs. L’oiseau se retourne avec un cri de désespoir. Ces oiseaux semblent y être fréquents pour trouver de la nourriture, surtout que le plan d’eau semble de moins en moins généreux depuis le drame de mai 2018. « Des poissons, nous n’en avons plus sur le lac », lâche-t-il tristement.

Cette nuit-là de mai 2018, les riverains avaient découvert des milliers de poissons sans vie, flottant à la surface du lac. D’aucuns soupçonnent le déversement d’une substance nocive dans le lac en amont des parcs de production piscicole. Mais la source de cette intoxication, le produit en question, ainsi que les circonstances restent inconnus jusqu’à présent. Alors, à la ferme Vizar, on s’est tourné vers des étangs pour se déconnecter du plan d’eau, tout en continuant à produire des poissons et à les fournir aux mareyeuses.

Avec le soutien du Projet d’investissement pour la résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest (Waca ResIP), ils sont passés de quatre étangs à une dizaine. La productivité s’est également intensifiée. « Pour le premier cycle, nous avons produit 12 tonnes. Nous sommes dans le second cycle et nous avoisinons déjà 24 tonnes. Les gens apprécient la qualité. Nous n’avons plus de craintes parce que nous ne sommes pas proches du lac, donc même s’il pleut il n’y a pas d’infiltration. Nous avons beaucoup de commandes venant des hôtels, en plus des mareyeuses », souligne Armel Coffi Gbékan.

Repousser le danger loin

Le promoteur est appuyé par Waca ResIP en ce qui concerne la mise en place et l’ensemencement des étangs, le nourrissage des alevins et l’acquisition des autres équipements de pêche. Mais il a fallu s’assurer de certains préalables pour repousser loin toute nuisance et sécuriser l’investissement. « Les étangs qui sont mis en place sont contrôlés de jour comme de nuit. Les étangs qui ont été creusés ont fait l’objet d’études concernant la qualité de l’eau, et la surveillance est renforcée. Ce qui nous permet d’avoir une pollution saine », dévoile Abdou Salami Amadou, responsable des activités, sous financement du Fonds pour l’Environnement Mondial à Projet Waca ResIP-Bénin.

Le promoteur dispose d’un autre site ailleurs, dans la commune de Ouidah, où Waca Resip-Bénin a financé des cages flottantes installées au niveau des anciennes carrières de sable. « Quand on fait l’extraction des carrières de sables, il y a des excavations qui sont laissées et qui deviennent des pièges pour l’homme et le bétail. Tout promoteur qui est en mesure de valoriser ces sites a besoin d’être appuyé. Ils sécurisent ainsi le site, les gens ne tomberont plus dans ces excavations grâce à la surveillance, ensuite, il y a la production de poissons », explique Abdou Salami Amadou.

Au Bénin, la pêche est principalement artisanale et représente plus de 75% de la production nationale. La production totale en 2022 était de 74 000 tonnes pour un besoin de 220 000 tonnes, soit une couverture de 34%. Pour combler ce déficit, il faudra accentuer la production piscicole qui était de 2528 tonnes en 2022.  Pour les producteurs, cette intervention de Waca Résip Bénin est la bienvenue et suscite un engouement. « Notre ambition, c’est d’augmenter le nombre d’étangs. Nous formons et sensibilisons d’autres riverains. Une trentaine de personnes nous ont emboîté le pas », témoigne Armel Coffi Gbékan.

Ainsi, en plus de s’attaquer à l’érosion côtière et aux inondations affectant le littoral ouest africain, Waca Résip œuvre également pour protéger les communautés, leurs moyens de subsistance, leurs investissements et les aires communautaires de conservation de la biodiversité, comme celle du Lac Toho, auxquelles elles sont intimement liées.

Fulbert ADJIMEHOSSOU




Conservation de la biodiversité : Waca Bénin compte sur les femmes  

Du Lac Toho à la mare aux crocodiles de Tannou, dans les départements du Mono et du Couffo, au sud-ouest du Bénin, les femmes deviennent progressivement les gardiennes de la biodiversité. Les Coopératives financées par le Projet d’Investissement pour la Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest (Waca ResIP) transforment des vies, tant celles des membres de la faune que de la flore.

Une coopérative de femmes

Alors que le soleil se retire derrière les buissons de Kpoba, commune de Djakotomey, à 140 km au nord-ouest de Cotonou, Houefa Bodrenou, ne se presse pas pour autant pour dévoiler la magie qui s’opère dans la coopérative Gbénondjou dont elle est la secrétaire générale. « Ne vous inquiétez pas. Même s’il fait tard, nous disposons d’un panneau solaire qui illumine nos vies et nous permet de poursuivre nos activités », confie-t-elle. Cette source d’énergie renouvelable, tout comme de nombreux autres équipements, a été acquise grâce au financement du Projet d’Investissement pour la Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest (Waca ResIP).

Ce qui améliore significativement, depuis 2022, la productivité de ces femmes spécialisées dans la transformation du manioc en Gari et dérivés. « Waca nous a dotées de magasins et de salles de transformation, de tricycles, de bassines, d’un château d’eau, de machines à rappeuses et de ressasseuses. Cela nous a permis de passer d’une production de deux sacs de 315 kg par semaine à dix sacs. Nos vies ont changé. Nous pouvons désormais éduquer nos enfants et soutenir nos maris dans la gestion du foyer », se réjouit Houefa Bodrenou.

En choisissant de soutenir ces femmes de Kpoba, le projet connu sous son acronyme anglais Waca (West Africa Coastal Areas Program) vise à réduire les pressions sur les ressources naturelles. « Beaucoup pensent que nous sommes concentrés principalement sur la lutte contre l’érosion côtière. Cependant, il y a le Fonds pour l’Environnement Mondial, qui ne finance pas les infrastructures grises, mais qui appuie la préservation de la biodiversité et la lutte contre la pauvreté », explique Abdou Salami Amadou, responsable des activités, sous financement du Fonds pour l’Environnement Mondial à Projet Waca ResIP-Bénin.

Aider les femmes, signifie protéger « l’hippopotame »

A Kpoba, l’appui cible principalement l’Aire Communautaire de Conservation de la Biodiversité d’Adjamé qui fait partie de la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta du Mono, reconnue par l’UNESCO en 2017. Le site situé dans l’arrondissement de Kpoba sur la rive Est du Fleuve Mono, abrite diverses espèces de faune, dont l’hippopotame, le sitatunga (Tragelaphus spekei) en danger dans la région, et le singe à ventre rouge (Cercopithecus erythrogaster erythrogaster) endémique au Dahomey Gap.

« Nous disposons ici d’une aire communautaire de proximité, la marre d’Adjamé, où l’espèce emblématique protégée est l’hippopotame. Si nous permettons aux communautés de continuer la chasse, d’ici quelques années, l’hippopotame pourrait disparaître de cette partie du sud-ouest de notre pays. C’est pourquoi nous avons décidé d’accompagner cette communauté tout en nous fixant pour objectif d’impacter encore davantage les femmes pour des retombées indirectes », précise Abdou Salami Amadou.

Dans les départements du Mono et du Couffo, au sud-ouest du Bénin, de nombreuses coopératives ont été soutenues, couvrant les aires communautaires de conservation de la biodiversité d’Adjamé (Djakotomey), du Lac Toho (Lokossa, Athiémé et Houéyogbé), de Naglanou (Athiémé) et de la Bouche du Roy (Grand-Popo). Cette bataille concerne également les trois nouvelles aires créées, à savoir le Chenal Gbaga (Grand-Popo), Avlékété-Djègbadji (Ouidah) et la Mare aux Crocodiles de Tannou (Aplahoué).

Des amazones de la biodiversité

À travers ces coopératives, les femmes sont donc mises en avant, comme un rempart contre la dégradation des ressources naturelles. « Pour défendre un espace, il faut permettre aux communautés d’avoir des activités alternatives génératrices de revenu revenus. Nous avons alors soutenu plus de 250 microprojets, bénéficiant à plus de 3500 personnes, dont 75% sont des femmes. Dans le Couffo, malgré l’avancée de l’agriculture, ce sont les femmes qui accomplissent le travail. Grâce à ces activités génératrices de revenus, elles gagnent plus qu’en travaillant aux champs », souligne l’expert.

Ces microprojets apportent également des avantages en termes de réduction de la pauvreté, d’autonomisation des femmes, ainsi qu’une amélioration de leurs conditions de vie et de travail. À Agamè, dans la commune de Lokossa, près du Lac Toho, l’énergie déployée par les membres de la coopérative des transformateurs de produits agricoles en est une preuve tangible. Cette coopérative bien organisée, composée de 730 membres, s’emploie à valoriser les noix de palme produites par l’Union des Coopératives d’Aménagement Rural (UCAR).

Rien ne se perd ici, tout se transforme. De la matière première à la transformation, cette coopérative couvre toute la chaîne, avec des retombées significatives, pour l’autonomisation des femmes. « Nous disposons désormais de grandes machines qui nous aident à produire suffisamment d’huile. Nous avons même un stock selon la période que nous vendrons au meilleur prix. Aujourd’hui, avec l’amélioration des conditions de production, nous avons un peu plus de moyens pour nourrir nos enfants », renseigne Philomène Adangnonnan, secrétaire générale de la coopérative des transformateurs des produits agricoles de Agamè. Cette résilience, ces femmes entendent la renforcer, même après la fin du projet en Décembre 2024.

Fulbert ADJIMEHOSSOU