Diagnostic précis, traitement efficace : les dernières avancées dans la lutte contre le paludisme au Bénin

Il continue de porter les stigmates d’un comportement à haut risque en voulant traiter le paludisme qu’il s’est auto diagnostiqué. Lucas Koukoui, mécanicien auto à Saclo dans la ville de Bohicon dit avoir frôlé la mort en novembre 2023 après avoir essayé de s’auto administrer des médicaments antipaludéens sans aller en consultation médicale. Il raconte : « Toute une journée, j’ai senti une forte fièvre. J’ai donc décidé de prendre des médicaments antipaludéens ne sachant pas que ce serait le début de mes problèmes de santé. J’ai perdu brutalement du poids en quelques jours et ai frôlé la mort. »

Test de Diagnostic Radio à un patient

Comme Lucas, au Bénin, de nombreuses personnes, par souci d’économie ou de commodité, choisissent de s’auto-diagnostiquer et de s’auto-administrer des médicaments, souvent sans consultation médicale dans un contexte où les pratiques de soins traditionnels et les faux médicaments coexistent avec la médecine moderne. Pourtant, comme l’avertissent les experts, cette pratique comporte des risques graves. En effet, les symptômes du paludisme peuvent être trompeurs et ressembler à ceux d’autres affections.

Pour Dr Annabelle Ekue Hounkponou, pharmacienne et directrice générale de la Pharmacie Camp Guezo à Cotonou, le diagnostic est d’abord clinique et confirmé par un test biologique. Il se fait par l’observation d’au moins 2 symptômes caractérisant le paludisme qui sont : fièvre, frissons, sueurs, diarrhée, douleurs abdominales, détresse respiratoire, confusion, convulsions, anémie hémolytique, splénomégalie et anomalies rénales.

Le diagnostic biologique repose essentiellement sur deux techniques : l’identification au microscope du Plasmodium sur un frottis de sang périphérique ou goutte épaisse, et un Test Diagnostique Rapide qui détecte les antigènes ou les enzymes de Plasmodium dans le sang. Si le diagnostic s’avère positif au paludisme, les experts font recours à plusieurs types d’antipaludiques recommandés et homologués par l’État.

Selon Dr Annabelle Ekue Hounkponou, les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) sont les meilleurs traitements antipaludiques disponibles à ce jour et constituent une composante essentielle du traitement recommandé contre le paludisme à falciparum, le parasite du paludisme le plus meurtrier au monde.

Diagnostic et traitement précis pour sauver des vies

Les CTA associent deux produits pharmaceutiques actifs dont les mécanismes d’action diffèrent, notamment des dérivés de l’artémisinine extraits de la plante Artemisia annua et un médicament associé. Le rôle de l’artémisinine est de réduire le nombre de parasites au cours des trois premiers jours de traitement, tandis que celui du médicament associé est d’éliminer les parasites restants.

À l’en croire, il existe une panoplie d’antipaludiques dont les dérivés des quinoléines à savoir quinine, méfloquine, luméfantrine, pipéraquine et primaquine, et les dérivés de l’artémisinine comme l’artéméther, l’artésunate, l’arténimol interfèrent avec l’utilisation de l’hémoglobine par le parasite et présentent une action rapide. .

Toutefois, précise-t-elle, l’utilisation de tous ces antipaludéens n’est plus recommandée en première intention, seuls sont recommandés les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine dites CTA.

En face de cette diversité d’antipaludiques pour traiter la maladie, il faut savoir faire le bon choix indique Dr Hosanna Agbangla, Médecin spécialiste en santé publique. Pour choisir le bon traitement antipaludique, a-t-il expliqué, il est important de prendre en considération le type de parasite du paludisme causant l’infection, la zone géographique à cause de la résistance aux médicaments, le statut physiologique du patient, les comorbidités du patient, et la gravité du paludisme pour l’efficacité du traitement.

Pour le spécialiste en santé publique, l’evaluation de cette effcacité, se fait par la rapidité de la régression des symptômes et la rapidité de la clairance des parasites dans le sang. Autrement, un mauvais protocole de traitement ou une prise incorrecte de médicaments antipaludiques peut entraîner une résistance et des complications ultérieures.

Des médicaments, Crédit photo: Olivier Blot, IRD

La résistance aux medicaments constitue un défi majeur dans la lutte contre le paludisme. Dans plusieurs régions en Afrique, notamment au Rwanda, en Ouganda et en Érythrée, des études récentes ont confirmé l’émergence d’une résistance partielle à l’artémisinine.

Avancées thérapeutiques et défis persistants

Des initiatives spécifiques visant à améliorer l’accès aux antipaludiques dans les régions touchées par la maladie sont en cours de développement. Dr Hosanna Agbangla observe qu’en plus des efforts remarquables du programme National de lutte contre le paludisme (PNLP) sur le plan national,  l’Organisation mondiale de la santé à travers ses programmes notamment le programme « Roll Back Malaria » et le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme contribuent à améliorer l’accès aux antipaludiques, en particulier dans les régions où le paludisme est endémique.

Y a-t-il aussi, renchérit Dr Annabelle Ekue Hounkponou, la nouvelle initiative (T3 : Tester. Traiter. Tracer) qui vise à améliorer l’accès au diagnostic et au traitement du paludisme et intensifier la surveillance épidémiologique du programme mondial OMS de lutte antipaludique.

Même si des programmes de développement de médicaments antipaludiques sont en cours, la route est encore longue pour obtenir le prochain médicament qui remplacera l’artémisinine et ses dérivés comme traitement de première ligne, soutient Dr Annabelle Ekue Hounkponou. C’est pourquoi, elle invite les professionnels de la santé à veiller à la disponibilité et l’accessibilité des CTA dans les zones endémiques les plus reculées. Les deux experts sont unanimes.

Pour améliorer la gestion du paludisme et l’utilisation des antipaludiques, les professionnels de la santé doivent s’en tenir aux recommandations de l’OMS et du ministère de la santé à travers le programme national de lutte contre le paludisme en privilégiant les combinaisons thérapeutiques en lieu et place des monothérapies, afin de limiter l’apparition de souches résistantes aux molécules actuelles.

Aussi ont-ils ajouté la nécessité de sensibiliser à la prévention de la résistance aux médicaments, notamment en s’assurant que les patients terminent leur traitement prescrit et en les sensibilisant sur les risques de l’automédication.

Comme l’a découvert Lucas à ses dépens, les médicaments peuvent guérir, mais seulement lorsqu’ils sont utilisés de manière responsable, sur la base d’une prescription médicale appropriée.

Pour éviter de telles tragédies, il est impératif de consulter un professionnel de santé dès l’apparition des symptômes du paludisme. Les tests de diagnostic et les traitements appropriés sont disponibles dans les centres de santé et les hôpitaux, offrant un moyen sûr et efficace de lutter contre cette maladie mortelle.

Megan Valère SOSSOU




17e édition de la journée mondiale de lutte contre le paludisme : la gratitude du ministre de la santé à l’initiative Zéro Palu ! Les Entreprises s’engagent

Le Bénin a marqué la 17e édition de la journée mondiale de lutte contre le paludisme avec une célébration lancée officiellement par le ministre de la Santé le jeudi 25 avril 2024 à Allada. Cette nouvelle édition prend un sens particulier, coïncidant avec deux autres événements majeurs : l’intégration du vaccin antipaludique dans le Programme Elargi de Vaccination et la quinzaine de mobilisation pour la solidarité.

Quelques acteurs de la lutte contre le paludisme

Cette année le thème choisi vise à promouvoir l’équité, l’égalité des genres et les droits de l’Homme dans la lutte contre le paludisme. Pour Brian Shukan, Ambassadeur des États-Unis au Bénin, c’est un thème qui met au défi les acteurs du domaine sanitaire à garantir la reconnaissance des droits à la santé comme des éléments fondamentaux des droits de l’Homme.

Brian Shukan, Ambassadeur des États-Unis au Bénin

Il met en avant l’engagement continu du gouvernement des États-Unis à soutenir le Bénin dans sa lutte contre le paludisme, affirmant que ce partenariat se traduira par des interventions à fort impact visant à améliorer la santé des femmes et des enfants.

Konan Kouamé Jean de l’Organisation Mondiale de la Santé au Bénin

Au nom des partenaires techniques et financiers, Konan Kouamé Jean de l’Organisation Mondiale de la Santé au Bénin a salué les progrès réalisés dans la lutte contre le paludisme au Bénin, insistant sur la nécessité d’investir de manière continue avec un soutien politique fort pour la prévention et la lutte contre cette maladie. À l’en croire, l’introduction du vaccin antipaludique au Bénin permettra de contrôler la maladie et de sauver des dizaines de milliers de vies chaque année.

Le Bénin introduit le vaccin antipaludique au Programme Elargi de Vaccination. Pour les différents acteurs présents, il s’agit d’un choix éclairé. En introduisant le vaccin antipaludique au Programme Elargi de Vaccination, le Bénin poursuit ses efforts avec les distributions de moustiquaires, les campagnes de chimio prévention saisonnière du paludisme et d’autres interventions à fort impact.

Des avancées pas sans l’initiative Zéro Palu ! Les Entreprises s’engagent

Le ministre de la Santé, Pr Benjamin HOUNKPATIN, en lançant officiellement la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme, a souligné plusieurs avancées notables dans la lutte contre le paludisme au Bénin.

Pr Benjamin HOUNKPATIN, Ministre de la Santé

Il note la lutte antivectorielle intégrée, la chimio prévention saisonnière du paludisme chez les enfants de moins de cinq ans, le traitement préventif chez les femmes enceintes et les nourrissons. Des dispositions qui sont toutes alignées sur la nouvelle politique de santé communautaire, a-t-il rassuré.

Dans son intervention, il a particulièrement exprimé sa gratitude envers l’initiative Zéro Palu ! Les entreprises s’engagent de Speak Up Africa, soutenue par les acteurs du secteur privé notamment la Fondation Eco Bank. Fortement représentée à cette occasion, l’initiative Zéro Palu ! Les Entreprises a vu ses efforts dans la lutte contre le paludisme au Bénin salués par le ministre de la Santé, Pr Benjamin HOUNKPATIN.

Pour rappel, l’initiative “Zéro Palu ! Les entreprises s’engagent” a été lancée en juillet 2020. Elle vise à mobiliser les entreprises du secteur privé pour contribuer à l’élimination du paludisme d’ici à 2030. À ce jour, les résultats de l’initiative sont prometteurs : 10 champions engagés, 06 millions de dollars mobilisés en contribution financière et en nature ainsi que la participation de 60 entreprises contributrices.

Megan Valère SOSSOU