Succès retentissant du Salon International sur les Énergies Renouvelables au Cameroun
Pour la troisième fois consécutive, l’Association Camerounaise pour les Énergies Renouvelables (ACER) a brillamment organisé la troisième édition du Salon International sur les énergies renouvelables au Cameroun, sous le haut patronage du Ministre de l’Eau et de l’Énergie, dans le cadre du prestigieux événement PROMOTE 2024 au Palais des Congrès de Yaoundé. Cet événement de renom a attiré une multitude d\\\’experts, de décideurs politiques et d\\\’entreprises, tous réunis autour du thème : « Les énergies renouvelables au Cameroun, Quels enjeux pour ses collectivités territoriales décentralisées ».
Vue d\\\’ensemble des participants
L’objectif était de mettre en place un cadre de concertation en vue de formuler des propositions pour assurer une transition énergétique viable à travers les énergies renouvelables au Cameroun. A l’ouverture officielle, Gérard NTCHOUABIA, Président de l’Association Camerounaise des Énergies Renouvelables, après avoir souhaité la bienvenue aux participants, a mis en avant l\\\’impératif pour les communes de s\\\’engager dans les énergies renouvelables.
Gérard NTCHOUABIA, Président de l’Association Camerounaise des Énergies Renouvelables
Il a encouragé les maires à adopter ces nouvelles formes d’énergies pour répondre aux besoins énergétiques de leurs populations. Il y va de l’avenir des générations futures, en particulier celui de la planète, a-t-il laissé entendre.
Nina Netzer, Représentante Résidente de la Fondation Friedrich Ebert au Cameroun, a souligné l\\\’importance de l\\\’accord conclu à la COP 21 de Paris, qui a évoqué la nécessité d\\\’abandonner les énergies combustibles.
Nina Netzer, Représentante Résidente de la Fondation Friedrich Ebert au Cameroun
Elle a relevé le besoin pressant de promouvoir les énergies renouvelables au Cameroun afin de répondre aux besoins énergétiques encore non satisfaits, et plaidé pour une collaboration inclusive entre la science, la politique et la société civile.
Valérie Nkue, Directeur des Energies Renouvelables et de la Maîtrise de l’Energie au ministère de l’Eau et de l’Énergie, a souligné l’importance de promouvoir les énergies renouvelables, notamment pour les collectivités territoriales décentralisées des zones rurales, où l\\\’accès au réseau électrique est limité.
Valérie Nkue, Directeur des Energies Renouvelables et de la Maîtrise
Il a également souligné la facilité de mise en place de petites centrales solaires pour alimenter des villages entiers.
La conférence a été marquée par des débats animés au cours desquels ont été abordées les problématiques liées aux énergies renouvelables au Cameroun dans les territoires. Il s’est agi du contexte, des enjeux, de l\\\’aspect politique, législatif et réglementaire dans le domaine de l’énergie, du rôle des collectivités territoriales décentralisées, de l\\\’amélioration de la santé des mères et des enfants avec les énergies renouvelables, du raccordement des installations renouvelables, de la ville durable et de la transition énergétique, de la petite hydroélectricité, de la forêt et du changement climatique, de la méthanisation, des déchets organiques et minéraux au sein des collectivités territoriales décentralisées.
Vue partielle des participants
Ce fut l’occasion pour Serge Nzali, Expert Environnemental et Social à la Société Générale au Cameroun, de présenter les initiatives de la Société Générale en faveur de la transition énergétique, notamment à travers des offres orientées vers l\\\’énergie solaire, telles que leur pack solaire.
Serge Nzali, Expert Environnemental et Social à la Société Générale au Cameroun
Ces solutions, affirme-t-il, offrent aux clients la possibilité d\\\’installer des capacités d\\\’énergie photovoltaïque pour compenser les coupures d\\\’électricité ou réduire leurs factures.
Il est à noter qu’un appel aux collectivités territoriales décentralisées à jouer un rôle moteur dans la promotion des énergies renouvelables a été largement lancé au cours de l\\\’événement.
L\\\’exposition au pavillon des énergies renouvelables, qui a débuté deux jours plus tôt, a offert une vitrine des équipements et services destinés aux collectivités territoriales décentralisées, couvrant divers domaines tels que la mobilité durable, le bâtiment durable, l\\\’accès à l\\\’énergie, la cuisson décarbonée, l\\\’efficacité énergétique et bien d’autres.
Ces beaux moments se sont achevés par la cérémonie des AWARDS EnR récompensant les meilleurs acteurs de la transition énergétique au Cameroun et en Afrique durant ces deux dernières années, sans oublier la célébration des 10 ans d’anniversaire de l’ACER.
Les 22 et 23 février 2024 resteront gravés dans les mémoires comme des journées décisives pour la promotion des énergies renouvelables au Cameroun. Un succès à mettre à l’actif de l’Association Camerounaise pour les Énergies Renouvelables (ACER) et de ses partenaires.
Megan Valère SOSSOU
Lancement du programme DURAGIRE : vers une gestion durable des ressources en eau au Bénin
Le 6 mars 2024, marque le début du Programme DURAGIRE qui a pour objectif de garantir la durabilité des initiatives de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) du programme OmiDelta, en particulier celles concernant les actions communautaires visant à renforcer la résilience des populations de la basse et moyenne vallée de l’Ouémé.
D\\\’une enveloppe financière de 11 millions d\\\’euros, soit 7.2 milliards de FCFA, ce projet sera mis en œuvre sur la période 2024-2026 par le consortium SNV/VNG International/ANCB, avec le Ministère de l’Eau, de l’Énergie et des Mines comme principal acteur public, via la Direction Générale de l’Eau.
Depuis la visite du Président Talon aux Pays-Bas en octobre 2022, la coopération entre les Pays-Bas et le Bénin dans le domaine de l\\\’eau s\\\’inscrit dans une perspective de développement économique et durable. Les projets d\\\’alimentation en eau potable au Nord, l\\\’aménagement du Lac Nokoué et le Port de Pêche en sont de parfaits exemples, bénéficiant d\\\’un financement total de 180 millions d\\\’euros.
Cependant, fidèle à son principe de durabilité, le Royaume des Pays-Bas a initié le Programme DURAGIRE afin de renforcer les capacités des acteurs de la GIRE à la base. L\\\’objectif est de les rendre autonomes dans la conduite de la GIRE, dans un environnement social et économique soutenable et résilient face aux effets des changements climatiques.
À la conclusion de ce programme, les acteurs devront être en mesure de gérer les infrastructures et les aménagements liés à la GIRE de manière autonome. Ils devront également être capables de mobiliser les financements publics et privés nécessaires pour étendre ces initiatives à une échelle plus large. Ce programme marque ainsi une transition vers une coopération plus durable et inclusive dans le secteur de l\\\’eau au Bénin.
Megan Valère SOSSOU
Découverte de lithium au Bénin : Distorsion politique ou véritable opportunité à saisir ?
Des échos résonnent depuis plusieurs années sur la découverte de lithium au Bénin, et la récente annonce de gisements dans la commune de Tchaourou, au nord du Bénin, ne fait pas exception. Alors que certains experts du secteur minier sont empreints d\\\’enthousiasme face à cette nouvelle, d\\\’autres se montrent plus sceptiques, soulevant des interrogations quant à l\\\’impact environnemental et social de cette perspective. Pendant que Roger Masso SOUROGOU, Directeur départemental de l\\\’eau et des mines du Borgou, se montrait catégorique sur la découverte de lithium, l\\\’expert géologue sénior, Désiré GANGNON, a exprimé des réserves quant à la manière dont cette annonce a été présentée.
En effet, selon les déclarations de Roger Masso SOUROGOU, les gisements de lithium découverts à Tchaourou sont en quantité suffisante et les premiers résultats sont concluants. Cette déclaration a été présentée comme une opportunité exceptionnelle pour le Bénin, susceptible de propulser le pays sur la scène mondiale en tant que fournisseur de cette ressource stratégique.
Cependant, l\\\’expert géologue Désiré GANGNON soulève des questions importantes sur les bases de données d\\\’exploration utilisées pour faire cette déclaration. Il met en garde contre le risque de se laisser emporter par des considérations politiques et rappelle l\\\’exemple du pétrole dans le passé, où des annonces prématurées ont créé des attentes démesurées et finalement déçues.
Il souligne que la découverte d\\\’un véritable gisement minier nécessite un processus rigoureux d\\\’exploration, impliquant des compétences diverses en géologie et des forages approfondis pour évaluer avec précision la teneur et la taille des ressources. Les exemples du Mali et du Ghana sont cités pour illustrer des projets de lithium bien avancés dans la sous-région, avec des mises à jour régulières des estimations des ressources et des plans concrets de construction de mines.
Dès lors, il est crucial selon l’expert de faire la distinction entre un simple indice minéral et un véritable gisement économiquement viable. Les retombées sociales, économiques et environnementales d\\\’une telle découverte sont énormes, et les annonces prématurées peuvent entraîner des attentes irréalistes et des déceptions potentielles pour la population a-t-il poursuivi.
Désiré GANGNON suggère que les autorités béninoises mènent des études approfondies, basées sur des données scientifiques vérifiables, avant de faire des déclarations publiques sur la découverte de gisements miniers. A l\\\’en croire, la transparence et la rigueur scientifique sont nécessaires pour bâtir la crédibilité du Bénin dans le secteur minier et attirer des investissements étrangers sérieux.
Du Lithium au Bénin ? Ce n’est pas une première fois
Avant Tchaourou, le ministère de l’Eau et des Mines avait déjà annoncé la découverte du lithium dans le département du Plateau, plus précisément à Kétou, ainsi qu\\\’à Ségbana, dans le département de l\\\’Alibori.
Une ressource minière dont les études sont effectuées dans la commune de Ségbana à Lougou, à environ 60 km du village Gbassé dans l\\\’Alibori. Selon des informations renseignées sur le site officiel du ministère, une reconnaissance géologique a été menée par la Direction Générale des Mines (DG-Mines) et l\\\’Office Béninois de Recherche Géologiques et Minières (OBRGM) sur une superficie de 16 km² à la maille 500 m x 500 m. Des prélèvements de 77 échantillons ont été réalisés et les analyses de laboratoire ont révélé des teneurs en lithium allant de 0,0024 à 43 ppm.
Le lithium est une ressource rare et stratégique, le gouvernement souhaite explorer le potentiel de ces gisements pour attirer des investisseurs étrangers intéressés par cette matière première essentielle.
Selon Samou Adambi, Ministre de l’Eau et des Mines, des investisseurs étrangers sont déjà prêts à investir dans ces gisements, et l\\\’État béninois travaille activement pour établir le périmètre global des ressources minérales. Des partenaires européens et américains se montrent particulièrement intéressés.
Une approche innovante pour l’exploitation du lithium au Bénin
Cependant, le Bénin ne souhaite pas exploiter de manière brute ses ressources minières. Samou Adambi déclare que le pays a une vision à long terme pour cette ressource. L\\\’objectif est de créer une chaîne de valeur intégrée, du lithium brut à la fabrication de produits finis au Bénin. Par exemple, si l\\\’on veut produire des batteries avec le lithium béninois, ces batteries seront fabriquées sur le territoire national a-t-il soutenu.
Une décision qui illustre la volonté du Bénin de tirer pleinement parti de ses ressources et de favoriser le développement d\\\’une industrie locale autour du lithium.
De sources bien informées, la découverte du lithium au Bénin est une réalité, cependant certains acteurs politico-administratifs pour des visées purement politiques commencent à en faire une propagande démesurée moins avantageuse pour le Bénin.
Si le potentiel en lithium du Bénin se concrétise davantage, cela pourrait non seulement stimuler l\\\’économie nationale mais aussi renforcer la position du pays sur la scène internationale en tant que fournisseur clé de cette ressource précieuse.
Il convient de rappeler que le lithium est un composant essentiel utilisé dans la fabrication de batteries pour les véhicules électriques, le stockage d\\\’énergie, les téléphones, les ordinateurs portables, les drones, et bien plus encore. Sa demande mondiale est en augmentation constante, car il est considéré comme un élément clé de la transition énergétique vers des sources d\\\’énergie plus propres et durables.
Megan Valère SOSSOU
Accès à l\’eau potable au Bénin: les faux pas de la SONEB qui retardent l\’atteinte de l\’ODD 6
Depuis 1960, qu’elle a été créée dans le but de fournir de l\\\’eau potable à la population béninoise, la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) rencontre de nombreux problèmes qui entravent sa mission et la qualité des services qu\\\’elle fournit. Malgré ses efforts pour améliorer la situation, de nombreuses zones rurales et urbaines continuent par exemple de souffrir d\\\’un manque d\\\’eau potable. Avec ses infrastructures souvent vétustes et mal entretenues, elle peine à répondre promptement aux alertes de dépannage.
A Abomey-Calavi, la cité-dortoir au sud Bénin, il fera bientôt deux mois que l’eau potable de la SONEB coule à flots dans la nature après une défaillance du matériel dans une maison avant le restaurant Grand Café en venant de Cotonou. Les multiples démarches engagées à l’endroit de la Société Nationale des Eaux du Bénin, service de Calavi pour résoudre la situation sont restées stériles. La réponse qui a été servie témoigne du manque de professionnalisme longtemps décrié au sujet de cette société nationale.
Les agents rencontrés avouent n’avoir pas les matériels nécessaires pour résoudre le problème. Un fait qui suscite bien des questionnements que seules les autorités du secteur peuvent apporter des réponses adéquates. Ces agents ont préféré utiliser du caoutchouc pour arrêter sans y arriver, la fuite des eaux du tuyau. Un vrai gâchis aux yeux des riverains alors que dans d’autres contrées du Bénin, des populations doivent courir d’après l’eau potable, et même d’après l’eau souillée stagnante dans des creux de terre aux allures minières.
C’est le cas des populations de Sakabansi dans la commune de Nikki où dans une vidéo publiée sur le réseau social Facebook, on peut voir des populations, malgré elles, à la recherche de l’eau malpropre. Au Bénin, les problèmes liés à la disponibilité de l’eau en quantité et en qualité ne se posent pas qu’en milieu rural.
À Sèmè-Kpodji en février 2023, il y a eu fréquemment des ruptures d\\\’eau potable. Cette commune, pas les moindres au Bénin en termes d’industrie est régulièrement privée d\\\’eau par la SONEB. Une triste réalité qui perdure depuis des années. La SONEB s’est toujours montrée incapable même avec un petit message de communiquer avant, pendant et après sur les causes de telles coupures intempestives.
Eau potable ! Absente !
En mars 2023, c’était le comble au niveau des consommateurs de la SONEB. Pendant que le ministre, le Directeur Général et certains cadres du secteur de l’eau étaient présents à la Conférence des Nations Unies sur l’eau à New York, aux États-Unis, l’eau par contre était absente dans les robinets de certaines populations du Bénin.
C’est le cas dans les résidences universitaires, à l’Université d’Abomey-Calavi où l’eau n’était pas présente. Comme à l’accoutumée, aucune note de la SONEB n’a annoncé une absence d’eau.
Le 23 mars, Christ Boris M. dénonçait une privation d’eau potable au lendemain de la célébration de la journée mondiale de l’eau. À Cotonou, à Calavi en passant par Dassa Zoumè, Parakou et Djougou, le mois de mars a été profondément perturbé dans la fourniture d’eau potable aux populations.
Ni la célébration de la journée mondiale de l’eau, ni la participation du Bénin à une grande rencontre internationale sur l’eau n’ont motivé les agents de la SONEB à fournir de l’eau en quantité et en qualité aux populations.
Selon des consommateurs que nous avions interviewés, la SONEB est l’une des sociétés Nationales entièrement à part au Bénin. « Quand on leur doit des factures, leurs services coupures connaissent bien nos adresses et viennent nous couper. Mais pas, quand il faut faire diligence pour dépanner » explique Marc K. Des faits pour lesquels la SONEB commence à gagner des trophées du bon mauvais élève.
Selon le Rapport Statistiques et Investigations du mois de février 2023 de l’Association Béninoise Eau et Énergies- ABEE, les statistiques ne sont pas favorables à la SONEB en matière de communication et de fourniture d’eau potable. Le rapport signale le silence coupable des diverses autorités sur la question des coupures d\\\’eau, de compteurs volés et de mauvaise qualité de l’eau à des endroits donnés.
Du professionnalisme du personnel à la qualité des services proposés, il ressort que la SONEB est loin de satisfaire les engagements en matière d’atteinte de l’objectif 6 du développement durable. Alors pour résoudre ces problèmes, la SONEB doit améliorer la qualité de ses infrastructures et former ses employés pour améliorer la qualité des services fournis. Elle doit également garantir que l\\\’eau potable soit accessible à tous conformément aux engagements pris par le gouvernement béninois à l’issue des grandes rencontres internationales auxquelles les cadres du secteur se pressent toujours à se présenter.
Megan Valère SOSSOU
Bassin du fleuve Niger : inondations dévastatrices à Malanville, où sont passés les milliards investis ?
Depuis 2007 à Malanville, une ville située à l’extrême Nord-est du Bénin, à la frontière du Niger, des inondations emportent chaque année des humains, des bétails et des habitations ; laissant derrière elles, désolations et scènes de chaos. Pourtant, plusieurs projets sont financés à coups de milliards par des institutions internationales, pour des résultats très peu satisfaisants. Entre l’absence d’ouvrages de protection des habitations et l’inefficacité du système d’alertes de prévention des inondations, les populations de Malanville portent leur croix depuis plus de 10 ans.
Sur le fleuve Niger, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU
Début septembre 2017, Zoulémiatou, la quarantaine, a tout perdu. Cloîtrée avec ses sept enfants orphelins dans une pièce précaire en pailles, la désormais veuve, larmes aux yeux, peine encore à croire que le fleuve qui lui a tant donné, en vienne à tout lui prendre.
À Garou-Tédji, un village de la commune de Malanville à l\\\’extrême Nord-Est du Bénin, il y a cinq ans, les inondations ont emporté son époux. Elle ne reverra jamais son corps. Non plus, la vingtaine de tonnes de produits agricoles en réserve, une épargne d’argent de plus de 800 000 F CFA, représentant deux années d’économie, soit 24 mois de travail, une habitation de trois cases, un bétail d’une vingtaine de têtes de moutons, le tout emporté par les eaux débordées du fleuve Niger. Dévastée, Zoulémiatou n’a plus de mot pour décrire la catastrophe qui a frappé sa famille en septembre 2017.
Selon les chiffres communiqués par l’actuel maire de la commune de Malanville, Gado GUIDAMI, rien que pour l’année 2020, dix mille trois cent vingt-et-une (10 321) personnes ont été victimes des inondations dans onze (11) villages. Pire, huit (08) personnes ont péri par noyade et deux mille cent-seize (2.116) hectares de cultures ont été ravagés, sans compter les habitations démolies. C\\\’est l’équivalent du quart de la superficie totale de Cotonou, capitale économique du Bénin.
À Kotchi, un petit village enclavé de Malanville, les dégâts sont bien plus perceptibles au point où l’espoir de continuer à y résider s’amincit au jour le jour. Le lundi 30 août 2021, en pleine saison pluvieuse et donc inondation, quatre adolescentes ont perdu la vie au cours d’une traversée en pirogue alors qu’elles revenaient de ce village. Il y a plus d’une décennie déjà que ces inondations sont entretenues par des facteurs aussi bien naturels qu\\\’anthropiques dans la commune de Malanville.
Une combinaison de causes climatiques et anthropiques
Plusieurs acteurs à Malanville pointent du doigt l’action de l’Homme à travers la déforestation excessive en faveur des activités agricoles et le changement climatique comme principales causes liées aux inondations cycliques.
Théodore ADJAKPA, géographe environnementaliste, auteur de plusieurs études scientifiques sur les inondations dans le bassin du fleuve Niger, soutient que les populations à la recherche de terres agricoles ont contribué excessivement à la déforestation en occupant les zones inondables du bassin du fleuve Niger. Une situation qui a occasionné l’ensablement du fleuve. « Le bassin a perdu une bonne partie de son couvert végétal, exposant ainsi les sols nus à l’érosion hydrique et éolienne » a-t-il expliqué. Ce qui aurait entraîné de forts ruissellements et de faibles infiltrations.
Une réalité confirmée par une étude scientifique intitulée « Fleuve Niger et les changements climatiques » qui a indiqué que les débits maximaux annuels du fleuve Niger ont fortement diminué, passant de 41 % avant 1970 à 23 % de nos jours. En effet, l’ensablement, favorisé par la dégradation du couvert végétal des versants de la vallée, tapit le fond du fleuve et réduit le rythme de circulation favorable aux crues.
Pour le géographe-environnementaliste, le facteur principal des inondations dans le bassin du Niger demeure la concentration des précipitations saisonnières sur une saison pluvieuse dont la durée se réduit d’année en année. Autrement dit, le changement climatique se manifeste par une mauvaise répartition des pluies avec une réduction très perceptible de la saison pluvieuse, augmentant ainsi l’agressivité climatique sur un sol faiblement couvert. À l’en croire, cette situation est favorisée également par la sécheresse récurrente, observée au cours des années 1970 et 1980.
Aussi, a-t-il ajouté, la hauteur importante des pluies au mois d’août avoisinant 255 mm en moyenne et la forte pluviométrie en amont du fleuve du Niger en Guinée entraînent des inondations catastrophiques dans le bassin du fleuve Niger. Et pourtant, depuis le début des inondations en 2007, un montant global de plus de 25 milliards de Francs CFA a été englouti dans divers projets censés prévenir les catastrophes.
Malanville, Crédit photo : Megan Valère SOSSOU
Pluie de milliards sur Malanville
A Malanville, les projets censés protéger les populations se sont succédés, mais aucun ne s’est jamais donné pour mission de construire un ouvrage capable d’endiguer les inondations. Inoussa DANDAKOUE, Maire de la commune de Malanville de 2015 à 2020, reconnaît les dysfonctionnements : « La plupart des projets qui sont intervenus, je ne les vois pas aller loin. Parce que leurs actions ne sont pas suivies. Ceux qui sont censés appliquer les actions ne les conçoivent pas bien ».
Pour l’actuel Maire, Gado GUIDAMI, il y a un certain cafouillage dans la réalisation des projets, ce qui a entraîné une absence d’efficacité. « Une bonne partie des interventions des projets ou ONG vient pour secourir. Aucun projet n’a été spécifiquement dédié à la lutte contre les inondations dans la commune », nous a-t-il confié.
À en croire Yacoubou TOROU, Responsable Risque et Catastrophe à la mairie de Malanville, plusieurs projets sont intervenus, notamment le projet Système d\\\’Alerte Précoce (SAP-Bénin). Initiées suites aux dégâts causés par les inondations en 2010, ce projet a pour objectif de renforcer les capacités de surveillance météorologique, climatique et hydrologique, afin de créer des Systèmes d\\\’alerte précoce (SAP) et d’information pour répondre à des conditions météorologiques extrêmes et planifier l\\\’adaptation au changement climatique au Bénin.
Financé en 2013 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Fonds pour l’Environnement Mondial, ce projet a englouti 9 255 774 500 de FCFA pour un résultat mitigé. Selon le rapport final du projet que nous avons consulté, le développement de conseils hydrologique/climatologique/météorologique répondant aux besoins d’acteurs socio-économiques n’a pas été réalisé et toute une série d’outils et études non réalisées (partenariat SAP-Communes absent, Portail d’accès libre aux données et informations et plate-forme mobile-phone de conseils agricoles non réalisé, étude portant sur les Proportions des populations (H/F) utilisant les alertes et informations climatiques non disponibles…).
Comme la famille de Zoulémiatou qui a tout perdu, les alertes sont nécessaires pour les personnes vulnérables (activités agricoles dans les lits des cours d’eau, pêcheurs artisanaux, populations vulnérables avec constructions précaires le long des cours d’eau, villages de pêcheurs). Selon le rapport final du projet, \\\ »les activités de communication et sensibilisation des populations ont été minimes durant le projet\\\ ». \\\ »Les activités du projet n’ont pas un impact direct sur les populations\\\ », précise le rapport.
Le projet a prévu la réalisation et la diffusion, via des radios locales, des messages d’alertes en langues locales, pour prévenir les populations des risques d’inondations. Mais, la ville de Malanville ne disposait pas de radio locale. Aucun des experts ayant travaillé à l’élaboration du projet ne s’en est rendu compte. Finalement, c’est la Radio Fara’a FM de Gaya au Niger près de la frontière du Bénin et la Radio du service public (Ortb) dont l’antenne régionale est située à près de 300 km de Malanville, qui ont servi de canaux de diffusion de messages d’alertes, mais ceci sans un réel impact. En témoigne le rapport d’évaluation du dispositif de production et de diffusion des alertes aux inondations du fleuve Niger qui conclut que : « l’absence de radios locales qui émettent en langue compréhensible par les populations riveraines a affecté négativement la réussite du dispositif d’alerte ».
Osséni Gayouga est riziculteur à Monkassa, l’un des villages les plus vulnérables aux inondations à Malanville. Il déplore : « Chaque année, les eaux nous surprennent toujours. Aucune alerte n’a rien prévenu ici. Comme on n’a jamais su quand elles venaient, on ne sait jamais quand elles devraient aller ».
Dans la même commune, en dehors du projet SAP Bénin, un autre projet financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) censé lutter contre les effets du changement climatique, a été déployé, sur quatre ans. Plus de 07 milliards de FCFA y sont passés, sans que les objectifs fixés soient atteints.
Riziculture de contre saison à Bodjécali, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU
Dans le même bassin, la Banque Africaine de Développement (BAD) a financé un Programme pour lutter contre l’ensablement du fleuve Niger. Intitulé Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le bassin du Niger (PIDACC), il est mis en œuvre par l’Autorité du Bassin du Niger, une institution créée en 1980 pour assurer un développement intégré du bassin et promouvoir la coopération entre les 09 pays traversés par le fleuve Niger (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigéria et Tchad).
Ce programme dont la première phase a amorcé la lutte contre l’ensablement et l’érosion hydrique à l’échelle du bassin a connu une seconde phase. D’un budget de plus de 09 milliards, cette deuxième phase vise à préserver les écosystèmes du bassin à travers la réduction de l’ensablement du fleuve Niger. Trois ans après son lancement, ce projet, censé prendre fin en 2025, connaît jusqu’en 2022 des résultats qui sont très loin des attentes sur le terrain. Le taux de décaissement en est encore à 1 % à la date du 25 janvier 2022, selon le rapport de l’équipe du programme.
Encore faut-il noter qu’au sein du même projet, des conflits de compétence au niveau de certaines équipes de mise en œuvre ont conduit à la démission de plusieurs cadres du programme. Cette léthargie est partagée par tous les acteurs intervenants dans ce projet, à partir de la Banque Africaine de Développement (BAD), jusqu’aux unités de gestion du programme dans chacun des pays sous tutelle de l’Autorité du Bassin du Niger, selon le même rapport.
Worou Wara ADAMOU, Coordinateur National du PIDACC au Bénin explique : « C’est vrai qu’il y a eu des cascades de démission. Les raisons sont liées au traitement salarial et aux avantages directs des cadres. » A l’en croire, le faible taux de décaissement enregistré se justifierait par le retard accusé dans le recrutement et les travaux des bureaux d’étude. Conséquence, les populations continuent de faire face impuissamment aux inondations destructives et fatales au vu et au su des pouvoirs publics qui y accordent très peu d’attention et d’actions probantes.
\\\ »Ce que je suis venu voir est ahurissant, alarmant\\\ »
À la suite des inondations de 2015, Placide AZANDE, le ministre de l\\\’Intérieur du gouvernement de Boni YAYI, s’était rendu le mercredi 16 septembre 2015 au chevet des populations de la commune de Malanville. Il a, pour l’occasion, annoncé que le génie militaire se mettrait à l’œuvre pour construire des digues afin d’éviter de nouvelles inondations. Une promesse politique jamais tenue, après quoi, les inondations continuent de dicter leurs lois.
Cinq ans après, et à la veille de l’élection présidentielle de 2021, une tournée parlementaire a été conduite par l’actuel président de l\\\’Assemblée nationale, Louis Gbèhounou Vlavonou. Il est allé à la rencontre des populations victimes d’inondations à Malanville. Face aux nombreuses préoccupations exprimées, le Président de l\\\’Assemblée Nationale a répondu : « … Je pourrai porter directement la voix des sans voix que je suis venu voir, en personne au chef de l’État. Je pourrai lui dire que ce que je suis venu voir est ahurissant, alarmant ». Plus d’un an déjà et rien de concret.
La preuve que cette partie du Bénin bénéficie de peu d’attention aux yeux des politiques dont le seul intérêt est de venir faire la quête électorale. Un sentiment largement partagé au sein de la population à Malanville. « Malanville ne fait pas partie du Bénin ? », s’interrogera Abdel Aziz FAYOMI, jeune aviculteur à Bodjécali, commune de Malanville.
Malanville entre résilience et résistance
Il y a plus de vingt ans que Bouraima Moukaila, alias « Coach », vit à Galièl, quartier le plus populaire de Malanville. De concert avec d’autres jeunes du quartier, il a initié la construction d’un ouvrage de franchissement grâce à une collecte de fonds, dont il est énormément fier : « Cette initiative citoyenne nous a permis de réaliser ce pont dont l’efficacité n’est plus à démontrer ».
Pont réalisé sur l\\\’initiative citoyenne des jeunes de Galiel, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU
À Malanville, la majorité des habitations est faite de paille et de tôle pour non seulement amoindrir l’ampleur des dégâts liés aux inondations, mais aussi éviter la ruine. Elles sont récupérables et limitent les décès contrairement aux habitations en terre battue. L’élu local de Galiel, GARBA Oumorou ne s’est pas empêché de faire de même. Car, a-t-il confié, les inondations à Malanville n’épargnent personne.
Type d’habitation répandue à Malanville, Galiel, Crédit photo : Megan Valère SOSSOU
Une zone occupée par les riziculteurs et maraîchers au nord-ouest de la commune est quant à elle protégée par une grande digue de 5 km réalisée par la coopération chinoise en 2006. Au regard de l’efficacité de cet ouvrage, les acteurs sont unanimes qu’il n’y a que la construction d\\\’ouvrages de protection qui pourra pallier le problème.
Au contraire, selon nos recoupements, la grande majorité des investissements (60 %) est dépensée dans les projets de secours chaque année, après donc la survenue des inondations et leurs dégâts, contre une part relativement moyenne (30 %) pour les projets de prévention, donc de sensibilisation et de production d’informations agrométéorologiques. Les investissements dans des constructions d’ouvrages de protection, d’endiguement et d’aménagement hydro-agricole sont encore plus faibles (10 %). Pourtant, tous les acteurs rencontrés reconnaissent que la réalisation d’ouvrages constitue la solution durable.
Auteur : Megan Valère SOSSOU
Pour définitivement tourner le dos aux inondations, un plaidoyer a été lancé en 2018 par la Plateforme de Gestion des Risques et Catastrophes liés au Changement Climatique. L’objectif est d’inciter à la construction d’une digue longue de plus de 100 km. Cette digue doit quitter la limite Karimama-Malanville à l’ouest, pour la limite Malanville-Nigéria à l’est.
Ibrahim SAFIRI, géomorphologue, spécialiste en aménagement des eaux de surface en appelle à une synergie d’action entre le Niger et le Bénin pour plus d’efficacité dans la lutte. Car constate-il, « du côté du Niger, les efforts qui ont été faits sont un peu plus importants que ce qui est fait du côté du Bénin ».
Un risque catastrophique permanent
En raison de l’engloutissement des milliers d’hectares de cultures, de récoltes et de la contamination du système d’approvisionnement en eau potable par les eaux d’inondation, la famine, la migration et l’épidémie de choléra constituent l’épée de Damoclès qui plane sur la commune de Malanville.
A l’image des inondations catastrophiques de 2010, les scientifiques soutiennent qu’un phénomène de grande ampleur reviendrait au moins chaque 10 ans. Il n’y a donc plus de doute sur l’imminence d’une nouvelle catastrophe climatique avec à la clé des conséquences sur la santé, l’économie, l’éducation et sur les réseaux de téléphonie, d’électricité, d’eau, d’infrastructures routières.
Pourtant, Malanville dispose d’un potentiel économique important. Elle abrite le 2e plus grand marché du Bénin dont les recettes en 2020 par exemple affichaient 105 813 150 de FCFA à la régie autonome. Il s’agit de l’un des plus grands marchés céréaliers et maraîchers de la sous-région ouest africaine. La commune de Malanville joue aussi un rôle crucial de transit de marchandises depuis le port de Cotonou par son poste frontalier. Il urge d’endiguer définitivement les inondations pour le bien-être socio-économique et environnemental de Malanville et ses environs.
Toutefois, retenons que la persistance des inondations à Malanville incombe non seulement aux différents projets exécutés sans succès ou grand succès, mais aussi au pouvoir public béninois qui accorde très peu d’attention à la résolution définitive du problème qu’à jouer le médecin après la mort.
Enquête réalisée par Megan Valère SOSSOU avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)
Comme à Malanville, commune du Bénin, les populations de la localité de Gaya au Niger souffrent toujours des inondations malgré les milliards injectés. Les résultats de la même enquête réalisée par notre confrère Nigérien Nasser ZADA sont à retrouver en version audio ici
« 2023 sera une année charnière du PIDACC au Bénin » WOROU WARA Adamou, Coordonnateur National du PIDACC/BN au Bénin
WOROU WARA Adamou, Coordonnateur National PIDACC/BN Bénin
Renforcer la résilience des écosystèmes et des populations affectées par le changement climatique dans le bassin du fleuve Niger au Bénin, c’est l’objectif du Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger. Plus de deux ans après son lancement officiel par la Banque Africaine de Développement, le gouvernement du Bénin et l’Autorité du Bassin du Niger, nous sommes allés à la rencontre du Responsable au niveau national du programme au Bénin.
Je suis WOROU WARA Adamou. Coordonnateur National du Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger (PIDACC/BN Bénin).
Journal Santé Environnement : Comment est-ce qu’on est venu au Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger ?
WOROU WARA Adamou : Pour en venir au PIDACC, il y avait un projet précurseur. Le Programme de Lutte Contre l’Ensablement du fleuve Niger dénommé PLCE. Un programme pilote initié et exécuté entre 2007 et 2012 dans trois pays le Niger, le Burkina Faso et le Mali. C’est au regard des résultats obtenus par ce programme qu’il a été décidé de l’étendre dans l’ensemble des neuf pays membres de l’Autorité du Bassin du Niger. Le PIDACC s’exécute donc dans cet espace. Au plan national, il a été lancé en décembre 2019 pour une durée de six (06) ans.
Journal Santé Environnement : Au menu de ce programme, quelles sont les principales actions prévues et comment se déroulent -elles au sein des communautés ?
WOROU WARA Adamou: Le Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du fleuve Niger a trois composantes. La première est liée à la préservation des écosystèmes dans le bassin du fleuve Niger, la seconde à la résilience des populations au changement climatique et la troisième à la gestion de la coordination du projet.
En ce qui concerne la première composante, des actions essentielles sont prévues. Vous savez que la zone a été sujette de déforestation excessive en particulier la portion nationale qui subit des dégradations avec l’agriculture sur brûlis.
Alors, il a été prévu le traitement de plus de 2500 m3 de ravins. Le développement de l’agroforesterie. Les populations sont désormais amenées à faire de la plantation associée à l’agriculture. Donc il y a un certain nombre d’essences qui sont mises à la disposition des populations pour être plantées sur 1000 hectares.
Des travaux de défense et de restauration des sols, de traitement biologique des ravins et des études telles que le schéma directeur du sous-bassin du Niger, portion nationale sont prévus. Des actions de soutien à la couche vulnérable. De façon globale, des sous-projets sont élaborés par les populations et sont financés par le PIDACC selon les besoins. Quelques-uns sont déjà connus à savoir : la zone cynégétique de la Djona, au niveau du parc W et qui fait objet de réhabilitation sur 450 hectares, la rôneraie de Goroubi entre Malanville et Karimama sur 550 hectares pour régénérer le sol.
Journal Santé Environnement : Que dire donc de la deuxième composante qui a trait aux ouvrages ?
WOROU WARA Adamou : Oui, pour être résilient la population a souvent besoin d’ouvrage. Il est prévu également dans la composante 2 du PIDACC, la réhabilitation de quelques micros-barrages à vocation agropastorale. Ils sont au nombre de cinq. La construction des barrages qui seront des infrastructures à but multiples disposées pour l’agriculture, l’élevage et la pêche. Ainsi, il est prévu trois barrages, dont un à Dougoulaye (Gogounou), un à Gamia (Bémbereke) et un autre à Dounkassa (Kalalé). En aval de ces barrages, nous comptons aménager 100 hectares par site donc au total 300 hectares à aménager pour les cultures de contre saison et le riz. Dans le même ordre, nous avons des bas-fonds à aménager sur 100 hectares et la réalisation des magasins de stockage des produits agricoles.
Nous avons des infrastructures qui vont en appui à la lutte contre le changement climatique. Par exemple, compléter à la digue de protection existante, une autre digue sur cinq (05) kilomètres de façon à protéger les populations contre les inondations cycliques.
Il y a deux embarcadères/débarcadères à faire à Malanville et Karimama. Nous aurons à aménager le tronçon de navigation entre Malanville et Karimama pour éviter les noyades.
Puisque le poisson se fait rare dans la zone du bassin du Niger. Un centre d’alevinage sera construit. Aussi, allons-nous développer la pisciculture en cage flottante. Les barrages ont été déjà identifiés bientôt des poissons serons produits en cages flottantes.
La construction de la digue à Malanville nous tient beaucoup à cœur, car par le passé, il y a une digue qui a été réalisée, mais qui ne protège qu’une partie de la population. L’autre partie étant laissée, nous pensons que si nous complétons sur 5 km, elle pourrait réduire les inondations que nous remarquons chaque année à ce niveau. Des hangars et ponceaux sont entre autres infrastructures qui seront réalisées pour la résilience des populations. C\\\’est là, les actions phares sur lesquels nous avançons tout doucement.
Il y a des activités qui ont démarré. D’autres attendent parce que nous sommes en train d’achever le recrutement des gros bureaux d’étude qui vont non seulement réaliser les DAO, mais qui vont aussi contrôler aussi les activités. Nous sommes à la phase presque terminale.
Journal Santé Environnement : Jusque-là, connaissez-vous des difficultés dans l’exécution de ce programme ?
WOROU WARA Adamou : Oui, des difficultés ne manquent pas en matière de gestion de projet. La première difficulté a été l’absence d’un relais terrain. Mais un bureau d’ingénierie sociale est en train d’être recruté pour mettre à disposition des animateurs qui faciliteront les interventions dans les treize (13) communes que couvre le bassin. Ils seront dès lors, l’interface du projet avec les populations.
L’autre difficulté a été le siège du programme. Dans les documents, le projet doit siéger à Kandi. Nous avons siégé de mi 2020 à mi 2021. Mais il a été constaté que le résultat était difficile à avoir parce que dans le système de passation de marché, il fallait se recourir chaque fois à notre ministère de tutelle. À plus de 700 km de Cotonou, le suivi de nos dossiers a été très difficile. Ainsi, il a été pris la résolution de déplacer le siège proche du ministère de tutelle afin de liquider les dossiers de passation de marché. Donc, plus tard, on va avoir une antenne mi 2023 à Kandi. L’autre difficulté est liée à la menace terroriste. Nous sommes encore en train de mener des activités surtout à côté du parc W, mais on était obligé d’arrêter. Toutefois, des mesures non moins aisées sont en train d’être prises afin de poursuivre.
Journal Santé Environnement : Quel est la particularité du programme ?
WOROU WARA Adamou : Dans le cadre du programme, nous avons à identifier des couches vulnérables avec qui des actions ponctuelles seront faites. Ces couches vulnérables sont à la fois des groupements de femmes ou des groupements de jeunes qui vont bénéficier d’un certain nombre d’appuis pour des activités génératrices de revenus.
Il y a à Malanville une bonne partie de l’eau envahie par les plantes aquatiques. Au lieu de ramasser ces plantes incessamment, nous allons le transformer en sous-projet. À Malanville, elles seront transformées en compost et utilisées comme fertilisant. À Karimama, ils ont voulu en faire du fourrage pour le bétail.
C’est autant de choses que nous allons développer. Ça ne fait que commencer. Il y a aura des formations à l’endroit des populations à la base. Le compact riz, le compact maïs, et même le compact blé qu’on va introduire dans la zone. Donc c’est vraiment tout un package d’actions. Des populations à la base seront amenées à se mettre en groupement pour porter des sous-projets. C’est-à-dire que même si le projet prend fin, les populations peuvent prendre le relais sur la base des acquis.
Par exemple, nous avons traité des ravins à Mamassy Gourma (Karimama). En le faisant, nous avons insisté pour que les populations soient impliquées en termes de main d’œuvre. L’impact socioéconomique et environnemental sur les populations a été énorme. Le ruissellement s’est presque annulé.
Journal Santé Environnement : L’avenir s’annonce donc prometteur pour les populations vivant dans le bassin du fleuve Niger ?
WOROU WARA Adamou : Il faut noter que le Bénin fait partie des pays ayant sorti la tête au plan régional en termes d’avancé. Nous comptons encore redoubler d’efforts. Fort heureusement nous allons commencer 2023 avec les différents bureaux d’étude et le boom sera d’un trait. Les actions que nous menons actuellement témoignent de ce que 2023 sera une année charnière du PIDACC au Bénin.
Journal Santé Environnement : Merci Monsieur le Coordonnateur d’avoir répondu à notre interview
WOROU WARA Adamou : C’est moi qui vous remercie.
Propos recueillis par Megan Valère SOSSOU et transcrits par Constance AGOSSA
Découverte de lithium au Bénin : Distorsion politique ou véritable opportunité à saisir ?
Des échos résonnent depuis plusieurs années sur la découverte de lithium au Bénin, et la récente annonce de gisements dans la commune de Tchaourou, au nord du Bénin, ne fait pas exception. Alors que certains experts du secteur minier sont empreints d’enthousiasme face à cette nouvelle, d’autres se montrent plus sceptiques, soulevant des interrogations quant à l’impact environnemental et social de cette perspective. Pendant que Roger Masso SOUROGOU, Directeur départemental de l’eau et des mines du Borgou, se montrait catégorique sur la découverte de lithium, l’expert géologue sénior, Désiré GANGNON, a exprimé des réserves quant à la manière dont cette annonce a été présentée.
En effet, selon les déclarations de Roger Masso SOUROGOU, les gisements de lithium découverts à Tchaourou sont en quantité suffisante et les premiers résultats sont concluants. Cette déclaration a été présentée comme une opportunité exceptionnelle pour le Bénin, susceptible de propulser le pays sur la scène mondiale en tant que fournisseur de cette ressource stratégique.
Cependant, l’expert géologue Désiré GANGNON soulève des questions importantes sur les bases de données d’exploration utilisées pour faire cette déclaration. Il met en garde contre le risque de se laisser emporter par des considérations politiques et rappelle l’exemple du pétrole dans le passé, où des annonces prématurées ont créé des attentes démesurées et finalement déçues.
Il souligne que la découverte d’un véritable gisement minier nécessite un processus rigoureux d’exploration, impliquant des compétences diverses en géologie et des forages approfondis pour évaluer avec précision la teneur et la taille des ressources. Les exemples du Mali et du Ghana sont cités pour illustrer des projets de lithium bien avancés dans la sous-région, avec des mises à jour régulières des estimations des ressources et des plans concrets de construction de mines.
Dès lors, il est crucial selon l’expert de faire la distinction entre un simple indice minéral et un véritable gisement économiquement viable. Les retombées sociales, économiques et environnementales d’une telle découverte sont énormes, et les annonces prématurées peuvent entraîner des attentes irréalistes et des déceptions potentielles pour la population a-t-il poursuivi.
Désiré GANGNON suggère que les autorités béninoises mènent des études approfondies, basées sur des données scientifiques vérifiables, avant de faire des déclarations publiques sur la découverte de gisements miniers. A l’en croire, la transparence et la rigueur scientifique sont nécessaires pour bâtir la crédibilité du Bénin dans le secteur minier et attirer des investissements étrangers sérieux.
Du Lithium au Bénin ? Ce n’est pas une première fois
Avant Tchaourou, le ministère de l’Eau et des Mines avait déjà annoncé la découverte du lithium dans le département du Plateau, plus précisément à Kétou, ainsi qu’à Ségbana, dans le département de l’Alibori.
Une ressource minière dont les études sont effectuées dans la commune de Ségbana à Lougou, à environ 60 km du village Gbassé dans l’Alibori. Selon des informations renseignées sur le site officiel du ministère, une reconnaissance géologique a été menée par la Direction Générale des Mines (DG-Mines) et l’Office Béninois de Recherche Géologiques et Minières (OBRGM) sur une superficie de 16 km² à la maille 500 m x 500 m. Des prélèvements de 77 échantillons ont été réalisés et les analyses de laboratoire ont révélé des teneurs en lithium allant de 0,0024 à 43 ppm.
Le lithium est une ressource rare et stratégique, le gouvernement souhaite explorer le potentiel de ces gisements pour attirer des investisseurs étrangers intéressés par cette matière première essentielle.
Selon Samou Adambi, Ministre de l’Eau et des Mines, des investisseurs étrangers sont déjà prêts à investir dans ces gisements, et l’État béninois travaille activement pour établir le périmètre global des ressources minérales. Des partenaires européens et américains se montrent particulièrement intéressés.
Une approche innovante pour l’exploitation du lithium au Bénin
Cependant, le Bénin ne souhaite pas exploiter de manière brute ses ressources minières. Samou Adambi déclare que le pays a une vision à long terme pour cette ressource. L’objectif est de créer une chaîne de valeur intégrée, du lithium brut à la fabrication de produits finis au Bénin. Par exemple, si l’on veut produire des batteries avec le lithium béninois, ces batteries seront fabriquées sur le territoire national a-t-il soutenu.
Une décision qui illustre la volonté du Bénin de tirer pleinement parti de ses ressources et de favoriser le développement d’une industrie locale autour du lithium.
De sources bien informées, la découverte du lithium au Bénin est une réalité, cependant certains acteurs politico-administratifs pour des visées purement politiques commencent à en faire une propagande démesurée moins avantageuse pour le Bénin.
Si le potentiel en lithium du Bénin se concrétise davantage, cela pourrait non seulement stimuler l’économie nationale mais aussi renforcer la position du pays sur la scène internationale en tant que fournisseur clé de cette ressource précieuse.
Il convient de rappeler que le lithium est un composant essentiel utilisé dans la fabrication de batteries pour les véhicules électriques, le stockage d’énergie, les téléphones, les ordinateurs portables, les drones, et bien plus encore. Sa demande mondiale est en augmentation constante, car il est considéré comme un élément clé de la transition énergétique vers des sources d’énergie plus propres et durables.
Megan Valère SOSSOU
Accès à l’eau potable au Bénin: les faux pas de la SONEB qui retardent l’atteinte de l’ODD 6
Depuis 1960, qu’elle a été créée dans le but de fournir de l’eau potable à la population béninoise, la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) rencontre de nombreux problèmes qui entravent sa mission et la qualité des services qu’elle fournit. Malgré ses efforts pour améliorer la situation, de nombreuses zones rurales et urbaines continuent par exemple de souffrir d’un manque d’eau potable. Avec ses infrastructures souvent vétustes et mal entretenues, elle peine à répondre promptement aux alertes de dépannage.
A Abomey-Calavi, la cité-dortoir au sud Bénin, il fera bientôt deux mois que l’eau potable de la SONEB coule à flots dans la nature après une défaillance du matériel dans une maison avant le restaurant Grand Café en venant de Cotonou. Les multiples démarches engagées à l’endroit de la Société Nationale des Eaux du Bénin, service de Calavi pour résoudre la situation sont restées stériles. La réponse qui a été servie témoigne du manque de professionnalisme longtemps décrié au sujet de cette société nationale.
Les agents rencontrés avouent n’avoir pas les matériels nécessaires pour résoudre le problème. Un fait qui suscite bien des questionnements que seules les autorités du secteur peuvent apporter des réponses adéquates. Ces agents ont préféré utiliser du caoutchouc pour arrêter sans y arriver, la fuite des eaux du tuyau. Un vrai gâchis aux yeux des riverains alors que dans d’autres contrées du Bénin, des populations doivent courir d’après l’eau potable, et même d’après l’eau souillée stagnante dans des creux de terre aux allures minières.
C’est le cas des populations de Sakabansi dans la commune de Nikki où dans une vidéo publiée sur le réseau social Facebook, on peut voir des populations, malgré elles, à la recherche de l’eau malpropre. Au Bénin, les problèmes liés à la disponibilité de l’eau en quantité et en qualité ne se posent pas qu’en milieu rural.
À Sèmè-Kpodji en février 2023, il y a eu fréquemment des ruptures d’eau potable. Cette commune, pas les moindres au Bénin en termes d’industrie est régulièrement privée d’eau par la SONEB. Une triste réalité qui perdure depuis des années. La SONEB s’est toujours montrée incapable même avec un petit message de communiquer avant, pendant et après sur les causes de telles coupures intempestives.
Eau potable ! Absente !
En mars 2023, c’était le comble au niveau des consommateurs de la SONEB. Pendant que le ministre, le Directeur Général et certains cadres du secteur de l’eau étaient présents à la Conférence des Nations Unies sur l’eau à New York, aux États-Unis, l’eau par contre était absente dans les robinets de certaines populations du Bénin.
C’est le cas dans les résidences universitaires, à l’Université d’Abomey-Calavi où l’eau n’était pas présente. Comme à l’accoutumée, aucune note de la SONEB n’a annoncé une absence d’eau.
Le 23 mars, Christ Boris M. dénonçait une privation d’eau potable au lendemain de la célébration de la journée mondiale de l’eau. À Cotonou, à Calavi en passant par Dassa Zoumè, Parakou et Djougou, le mois de mars a été profondément perturbé dans la fourniture d’eau potable aux populations.
Ni la célébration de la journée mondiale de l’eau, ni la participation du Bénin à une grande rencontre internationale sur l’eau n’ont motivé les agents de la SONEB à fournir de l’eau en quantité et en qualité aux populations.
Selon des consommateurs que nous avions interviewés, la SONEB est l’une des sociétés Nationales entièrement à part au Bénin. « Quand on leur doit des factures, leurs services coupures connaissent bien nos adresses et viennent nous couper. Mais pas, quand il faut faire diligence pour dépanner » explique Marc K. Des faits pour lesquels la SONEB commence à gagner des trophées du bon mauvais élève.
Selon le Rapport Statistiques et Investigations du mois de février 2023 de l’Association Béninoise Eau et Énergies- ABEE, les statistiques ne sont pas favorables à la SONEB en matière de communication et de fourniture d’eau potable. Le rapport signale le silence coupable des diverses autorités sur la question des coupures d’eau, de compteurs volés et de mauvaise qualité de l’eau à des endroits donnés.
Du professionnalisme du personnel à la qualité des services proposés, il ressort que la SONEB est loin de satisfaire les engagements en matière d’atteinte de l’objectif 6 du développement durable. Alors pour résoudre ces problèmes, la SONEB doit améliorer la qualité de ses infrastructures et former ses employés pour améliorer la qualité des services fournis. Elle doit également garantir que l’eau potable soit accessible à tous conformément aux engagements pris par le gouvernement béninois à l’issue des grandes rencontres internationales auxquelles les cadres du secteur se pressent toujours à se présenter.
Megan Valère SOSSOU
Bassin du fleuve Niger : inondations dévastatrices à Malanville, où sont passés les milliards investis ?
Depuis 2007 à Malanville, une ville située à l’extrême Nord-est du Bénin, à la frontière du Niger, des inondations emportent chaque année des humains, des bétails et des habitations ; laissant derrière elles, désolations et scènes de chaos. Pourtant, plusieurs projets sont financés à coups de milliards par des institutions internationales, pour des résultats très peu satisfaisants. Entre l’absence d’ouvrages de protection des habitations et l’inefficacité du système d’alertes de prévention des inondations, les populations de Malanville portent leur croix depuis plus de 10 ans.
Sur le fleuve Niger, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU
Début septembre 2017, Zoulémiatou, la quarantaine, a tout perdu. Cloîtrée avec ses sept enfants orphelins dans une pièce précaire en pailles, la désormais veuve, larmes aux yeux, peine encore à croire que le fleuve qui lui a tant donné, en vienne à tout lui prendre.
À Garou-Tédji, un village de la commune de Malanville à l’extrême Nord-Est du Bénin, il y a cinq ans, les inondations ont emporté son époux. Elle ne reverra jamais son corps. Non plus, la vingtaine de tonnes de produits agricoles en réserve, une épargne d’argent de plus de 800 000 F CFA, représentant deux années d’économie, soit 24 mois de travail, une habitation de trois cases, un bétail d’une vingtaine de têtes de moutons, le tout emporté par les eaux débordées du fleuve Niger. Dévastée, Zoulémiatou n’a plus de mot pour décrire la catastrophe qui a frappé sa famille en septembre 2017.
Selon les chiffres communiqués par l’actuel maire de la commune de Malanville, Gado GUIDAMI, rien que pour l’année 2020, dix mille trois cent vingt-et-une (10 321) personnes ont été victimes des inondations dans onze (11) villages. Pire, huit (08) personnes ont péri par noyade et deux mille cent-seize (2.116) hectares de cultures ont été ravagés, sans compter les habitations démolies. C’est l’équivalent du quart de la superficie totale de Cotonou, capitale économique du Bénin.
À Kotchi, un petit village enclavé de Malanville, les dégâts sont bien plus perceptibles au point où l’espoir de continuer à y résider s’amincit au jour le jour. Le lundi 30 août 2021, en pleine saison pluvieuse et donc inondation, quatre adolescentes ont perdu la vie au cours d’une traversée en pirogue alors qu’elles revenaient de ce village. Il y a plus d’une décennie déjà que ces inondations sont entretenues par des facteurs aussi bien naturels qu’anthropiques dans la commune de Malanville.
Une combinaison de causes climatiques et anthropiques
Plusieurs acteurs à Malanville pointent du doigt l’action de l’Homme à travers la déforestation excessive en faveur des activités agricoles et le changement climatique comme principales causes liées aux inondations cycliques.
Théodore ADJAKPA, géographe environnementaliste, auteur de plusieurs études scientifiques sur les inondations dans le bassin du fleuve Niger, soutient que les populations à la recherche de terres agricoles ont contribué excessivement à la déforestation en occupant les zones inondables du bassin du fleuve Niger. Une situation qui a occasionné l’ensablement du fleuve. « Le bassin a perdu une bonne partie de son couvert végétal, exposant ainsi les sols nus à l’érosion hydrique et éolienne » a-t-il expliqué. Ce qui aurait entraîné de forts ruissellements et de faibles infiltrations.
Une réalité confirmée par une étude scientifique intitulée « Fleuve Niger et les changements climatiques » qui a indiqué que les débits maximaux annuels du fleuve Niger ont fortement diminué, passant de 41 % avant 1970 à 23 % de nos jours. En effet, l’ensablement, favorisé par la dégradation du couvert végétal des versants de la vallée, tapit le fond du fleuve et réduit le rythme de circulation favorable aux crues.
Pour le géographe-environnementaliste, le facteur principal des inondations dans le bassin du Niger demeure la concentration des précipitations saisonnières sur une saison pluvieuse dont la durée se réduit d’année en année. Autrement dit, le changement climatique se manifeste par une mauvaise répartition des pluies avec une réduction très perceptible de la saison pluvieuse, augmentant ainsi l’agressivité climatique sur un sol faiblement couvert. À l’en croire, cette situation est favorisée également par la sécheresse récurrente, observée au cours des années 1970 et 1980.
Aussi, a-t-il ajouté, la hauteur importante des pluies au mois d’août avoisinant 255 mm en moyenne et la forte pluviométrie en amont du fleuve du Niger en Guinée entraînent des inondations catastrophiques dans le bassin du fleuve Niger. Et pourtant, depuis le début des inondations en 2007, un montant global de plus de 25 milliards de Francs CFA a été englouti dans divers projets censés prévenir les catastrophes.
Malanville, Crédit photo : Megan Valère SOSSOU
Pluie de milliards sur Malanville
A Malanville, les projets censés protéger les populations se sont succédés, mais aucun ne s’est jamais donné pour mission de construire un ouvrage capable d’endiguer les inondations. Inoussa DANDAKOUE, Maire de la commune de Malanville de 2015 à 2020, reconnaît les dysfonctionnements : « La plupart des projets qui sont intervenus, je ne les vois pas aller loin. Parce que leurs actions ne sont pas suivies. Ceux qui sont censés appliquer les actions ne les conçoivent pas bien ».
Pour l’actuel Maire, Gado GUIDAMI, il y a un certain cafouillage dans la réalisation des projets, ce qui a entraîné une absence d’efficacité. « Une bonne partie des interventions des projets ou ONG vient pour secourir. Aucun projet n’a été spécifiquement dédié à la lutte contre les inondations dans la commune », nous a-t-il confié.
À en croire Yacoubou TOROU, Responsable Risque et Catastrophe à la mairie de Malanville, plusieurs projets sont intervenus, notamment le projet Système d’Alerte Précoce (SAP-Bénin). Initiées suites aux dégâts causés par les inondations en 2010, ce projet a pour objectif de renforcer les capacités de surveillance météorologique, climatique et hydrologique, afin de créer des Systèmes d’alerte précoce (SAP) et d’information pour répondre à des conditions météorologiques extrêmes et planifier l’adaptation au changement climatique au Bénin.
Financé en 2013 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Fonds pour l’Environnement Mondial, ce projet a englouti 9 255 774 500 de FCFA pour un résultat mitigé. Selon le rapport final du projet que nous avons consulté, le développement de conseils hydrologique/climatologique/météorologique répondant aux besoins d’acteurs socio-économiques n’a pas été réalisé et toute une série d’outils et études non réalisées (partenariat SAP-Communes absent, Portail d’accès libre aux données et informations et plate-forme mobile-phone de conseils agricoles non réalisé, étude portant sur les Proportions des populations (H/F) utilisant les alertes et informations climatiques non disponibles…).
Comme la famille de Zoulémiatou qui a tout perdu, les alertes sont nécessaires pour les personnes vulnérables (activités agricoles dans les lits des cours d’eau, pêcheurs artisanaux, populations vulnérables avec constructions précaires le long des cours d’eau, villages de pêcheurs). Selon le rapport final du projet, « les activités de communication et sensibilisation des populations ont été minimes durant le projet« . « Les activités du projet n’ont pas un impact direct sur les populations« , précise le rapport.
Le projet a prévu la réalisation et la diffusion, via des radios locales, des messages d’alertes en langues locales, pour prévenir les populations des risques d’inondations. Mais, la ville de Malanville ne disposait pas de radio locale. Aucun des experts ayant travaillé à l’élaboration du projet ne s’en est rendu compte. Finalement, c’est la Radio Fara’a FM de Gaya au Niger près de la frontière du Bénin et la Radio du service public (Ortb) dont l’antenne régionale est située à près de 300 km de Malanville, qui ont servi de canaux de diffusion de messages d’alertes, mais ceci sans un réel impact. En témoigne le rapport d’évaluation du dispositif de production et de diffusion des alertes aux inondations du fleuve Niger qui conclut que : « l’absence de radios locales qui émettent en langue compréhensible par les populations riveraines a affecté négativement la réussite du dispositif d’alerte ».
Osséni Gayouga est riziculteur à Monkassa, l’un des villages les plus vulnérables aux inondations à Malanville. Il déplore : « Chaque année, les eaux nous surprennent toujours. Aucune alerte n’a rien prévenu ici. Comme on n’a jamais su quand elles venaient, on ne sait jamais quand elles devraient aller ».
Dans la même commune, en dehors du projet SAP Bénin, un autre projet financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) censé lutter contre les effets du changement climatique, a été déployé, sur quatre ans. Plus de 07 milliards de FCFA y sont passés, sans que les objectifs fixés soient atteints.
Riziculture de contre saison à Bodjécali, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU
Dans le même bassin, la Banque Africaine de Développement (BAD) a financé un Programme pour lutter contre l’ensablement du fleuve Niger. Intitulé Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le bassin du Niger (PIDACC), il est mis en œuvre par l’Autorité du Bassin du Niger, une institution créée en 1980 pour assurer un développement intégré du bassin et promouvoir la coopération entre les 09 pays traversés par le fleuve Niger (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigéria et Tchad).
Ce programme dont la première phase a amorcé la lutte contre l’ensablement et l’érosion hydrique à l’échelle du bassin a connu une seconde phase. D’un budget de plus de 09 milliards, cette deuxième phase vise à préserver les écosystèmes du bassin à travers la réduction de l’ensablement du fleuve Niger. Trois ans après son lancement, ce projet, censé prendre fin en 2025, connaît jusqu’en 2022 des résultats qui sont très loin des attentes sur le terrain. Le taux de décaissement en est encore à 1 % à la date du 25 janvier 2022, selon le rapport de l’équipe du programme.
Encore faut-il noter qu’au sein du même projet, des conflits de compétence au niveau de certaines équipes de mise en œuvre ont conduit à la démission de plusieurs cadres du programme. Cette léthargie est partagée par tous les acteurs intervenants dans ce projet, à partir de la Banque Africaine de Développement (BAD), jusqu’aux unités de gestion du programme dans chacun des pays sous tutelle de l’Autorité du Bassin du Niger, selon le même rapport.
Worou Wara ADAMOU, Coordinateur National du PIDACC au Bénin explique : « C’est vrai qu’il y a eu des cascades de démission. Les raisons sont liées au traitement salarial et aux avantages directs des cadres. » A l’en croire, le faible taux de décaissement enregistré se justifierait par le retard accusé dans le recrutement et les travaux des bureaux d’étude. Conséquence, les populations continuent de faire face impuissamment aux inondations destructives et fatales au vu et au su des pouvoirs publics qui y accordent très peu d’attention et d’actions probantes.
« Ce que je suis venu voir est ahurissant, alarmant »
À la suite des inondations de 2015, Placide AZANDE, le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Boni YAYI, s’était rendu le mercredi 16 septembre 2015 au chevet des populations de la commune de Malanville. Il a, pour l’occasion, annoncé que le génie militaire se mettrait à l’œuvre pour construire des digues afin d’éviter de nouvelles inondations. Une promesse politique jamais tenue, après quoi, les inondations continuent de dicter leurs lois.
Cinq ans après, et à la veille de l’élection présidentielle de 2021, une tournée parlementaire a été conduite par l’actuel président de l’Assemblée nationale, Louis Gbèhounou Vlavonou. Il est allé à la rencontre des populations victimes d’inondations à Malanville. Face aux nombreuses préoccupations exprimées, le Président de l’Assemblée Nationale a répondu : « … Je pourrai porter directement la voix des sans voix que je suis venu voir, en personne au chef de l’État. Je pourrai lui dire que ce que je suis venu voir est ahurissant, alarmant ». Plus d’un an déjà et rien de concret.
La preuve que cette partie du Bénin bénéficie de peu d’attention aux yeux des politiques dont le seul intérêt est de venir faire la quête électorale. Un sentiment largement partagé au sein de la population à Malanville. « Malanville ne fait pas partie du Bénin ? », s’interrogera Abdel Aziz FAYOMI, jeune aviculteur à Bodjécali, commune de Malanville.
Malanville entre résilience et résistance
Il y a plus de vingt ans que Bouraima Moukaila, alias « Coach », vit à Galièl, quartier le plus populaire de Malanville. De concert avec d’autres jeunes du quartier, il a initié la construction d’un ouvrage de franchissement grâce à une collecte de fonds, dont il est énormément fier : « Cette initiative citoyenne nous a permis de réaliser ce pont dont l’efficacité n’est plus à démontrer ».
Pont réalisé sur l’initiative citoyenne des jeunes de Galiel, Crédit Photo : Megan Valère SOSSOU
À Malanville, la majorité des habitations est faite de paille et de tôle pour non seulement amoindrir l’ampleur des dégâts liés aux inondations, mais aussi éviter la ruine. Elles sont récupérables et limitent les décès contrairement aux habitations en terre battue. L’élu local de Galiel, GARBA Oumorou ne s’est pas empêché de faire de même. Car, a-t-il confié, les inondations à Malanville n’épargnent personne.
Type d’habitation répandue à Malanville, Galiel, Crédit photo : Megan Valère SOSSOU
Une zone occupée par les riziculteurs et maraîchers au nord-ouest de la commune est quant à elle protégée par une grande digue de 5 km réalisée par la coopération chinoise en 2006. Au regard de l’efficacité de cet ouvrage, les acteurs sont unanimes qu’il n’y a que la construction d’ouvrages de protection qui pourra pallier le problème.
Au contraire, selon nos recoupements, la grande majorité des investissements (60 %) est dépensée dans les projets de secours chaque année, après donc la survenue des inondations et leurs dégâts, contre une part relativement moyenne (30 %) pour les projets de prévention, donc de sensibilisation et de production d’informations agrométéorologiques. Les investissements dans des constructions d’ouvrages de protection, d’endiguement et d’aménagement hydro-agricole sont encore plus faibles (10 %). Pourtant, tous les acteurs rencontrés reconnaissent que la réalisation d’ouvrages constitue la solution durable.
Auteur : Megan Valère SOSSOU
Pour définitivement tourner le dos aux inondations, un plaidoyer a été lancé en 2018 par la Plateforme de Gestion des Risques et Catastrophes liés au Changement Climatique. L’objectif est d’inciter à la construction d’une digue longue de plus de 100 km. Cette digue doit quitter la limite Karimama-Malanville à l’ouest, pour la limite Malanville-Nigéria à l’est.
Ibrahim SAFIRI, géomorphologue, spécialiste en aménagement des eaux de surface en appelle à une synergie d’action entre le Niger et le Bénin pour plus d’efficacité dans la lutte. Car constate-il, « du côté du Niger, les efforts qui ont été faits sont un peu plus importants que ce qui est fait du côté du Bénin ».
Un risque catastrophique permanent
En raison de l’engloutissement des milliers d’hectares de cultures, de récoltes et de la contamination du système d’approvisionnement en eau potable par les eaux d’inondation, la famine, la migration et l’épidémie de choléra constituent l’épée de Damoclès qui plane sur la commune de Malanville.
A l’image des inondations catastrophiques de 2010, les scientifiques soutiennent qu’un phénomène de grande ampleur reviendrait au moins chaque 10 ans. Il n’y a donc plus de doute sur l’imminence d’une nouvelle catastrophe climatique avec à la clé des conséquences sur la santé, l’économie, l’éducation et sur les réseaux de téléphonie, d’électricité, d’eau, d’infrastructures routières.
Pourtant, Malanville dispose d’un potentiel économique important. Elle abrite le 2e plus grand marché du Bénin dont les recettes en 2020 par exemple affichaient 105 813 150 de FCFA à la régie autonome. Il s’agit de l’un des plus grands marchés céréaliers et maraîchers de la sous-région ouest africaine. La commune de Malanville joue aussi un rôle crucial de transit de marchandises depuis le port de Cotonou par son poste frontalier. Il urge d’endiguer définitivement les inondations pour le bien-être socio-économique et environnemental de Malanville et ses environs.
Toutefois, retenons que la persistance des inondations à Malanville incombe non seulement aux différents projets exécutés sans succès ou grand succès, mais aussi au pouvoir public béninois qui accorde très peu d’attention à la résolution définitive du problème qu’à jouer le médecin après la mort.
Enquête réalisée par Megan Valère SOSSOU avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)
Comme à Malanville, commune du Bénin, les populations de la localité de Gaya au Niger souffrent toujours des inondations malgré les milliards injectés. Les résultats de la même enquête réalisée par notre confrère Nigérien Nasser ZADA sont à retrouver en version audio ici