PNAN 2024 : une société civile tenue à l’écart d’une politique qu’elle devra mettre en œuvre

Si la Politique Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (PNAN), adoptée en juillet 2024, est saluée pour sa vision, sa légitimité est fragilisée par le manque d’implication de la société civile dans son processus d’élaboration. Les acteurs communautaires, pourtant au cœur des interventions de terrain, n’ont pas été pleinement associés. Une exclusion dénoncée par plusieurs ONG, qui alertent sur les risques de non-appropriation locale et d’échec dans la mise en œuvre.

L’Alliance de la Société Civile pour l’Intensification de la Nutrition au Bénin (ASCINB), faitière des organisations de la société civile luttant contre la malnutrition au Bénin n’a pas été associée à la validation du document. Le texte officiel mentionne une consultation large, sans toutefois préciser les entités concernées, laissant planer un doute sur la représentativité réelle et la dimension inclusive du processus.

Une société civile absente du processus d’élaboration

Augustin Babagbeto, Chargé de Programmes à la Mutuelle de Jeunes Chrétiens pour le Développement (MJCD ONG), participant à l’atelier national d’appropriation de la PNAN organisé par l’ASCINB, estime que bien que la Politique Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition parte d’une bonne intention, elle souffre de lacunes majeures qui traduisent une faible implication de la société civile dans son élaboration.

À son avis, si les organisations de terrain avaient été associées, plusieurs de ces faiblesses auraient pu être évitées. Il souligne également qu’un grand nombre d’acteurs locaux ignorent même l’existence du document, ce qui, selon lui, compromet sérieusement son efficacité, puisque ceux chargés de sa mise en œuvre n’en ont pas connaissance ni appropriation. Il est convaincu qu’avec les apports constructifs de la société civile, le tir pourra être corrigé.

A noter que le document adopte une définition classique de la nutrition, centrée sur les processus biologiques. Une vision jugée trop étroite par les experts ayant passés au peigne fin le document. Pourtant, le Professeur Roch Mongbo, expert reconnu, avait proposé une définition plus intégrative, « La nutrition est l’ensemble des processus biologiques, sociaux, psychiques, environnementaux, par lesquels l’organisme humain valorise l’aliment pour la vie. »

Une telle définition aurait permis une meilleure prise en compte des facteurs sociaux, culturels et environnementaux dans la lutte contre la malnutrition.

L’absence d’approche communautaire

La stratégie proposée reste technocratique selon les experts. Elle néglige les dynamiques communautaires et les savoirs locaux. Aucune stratégie spécifique n’est prévue pour mobiliser les bénéficiaires, intégrer leurs réalités ni valoriser les dispositifs communautaires déjà en place, souvent portés par des ONG.

La PNAN n’analyse pas en profondeur les causes structurelles de la malnutrition, notamment les inégalités de genre, les pratiques culturelles, les difficultés d’accès aux soins, ou encore la précarité économique des femmes. Ces dimensions sont pourtant essentielles pour la réussite de toute politique nutritionnelle.

L’Agence Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (ANAN), chargée du suivi, ne prévoit pas explicitement la participation des organisations de la société civile dans le mécanisme d’évaluation. Où sont les indicateurs ? Où est le plan d’action ?, s’interrogent les organisations de la société civile avant de noter que la société civile est totalement absente du dispositif de suivi comme à l’élaboration.

Vers une meilleure inclusion ?

Face à cette mise à l’écart, la société civile entend apporter ses contributions pour une politique inclusive et réaliste. Des consultations sont en cours actuellement à Grand Popo pour formuler des propositions concrètes afin d’améliorer la politique, renforcer la transparence et garantir l’appropriation communautaire.

Il est évident que sans la mobilisation des organisations de terrain, la PNAN risque de rester un texte sans effet. Une politique publique qui ne s’appuie pas sur ceux qui œuvrent au quotidien pour la nutrition est vouée à l’inefficacité.

Megan Valère SOSSOU




Nutrition au Bénin : la société civile se mobilise pour mieux s’approprier la PNAN

Ce mardi 24 juin 2025 s’est ouvert à Grand Popo l’atelier national d’appropriation de la Politique Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (PNAN). L’objectif est de renforcer la participation des organisations de la Société Civile à la gouvernance de la nutrition et la mise en œuvre de la PNAN.

Face à des indicateurs de malnutrition encore préoccupants, la mobilisation des organisations de la société civile (OSC) apparaît plus que jamais stratégique. C’est pourquoi, l’Alliance de la Société Civile pour l’Intensification de la Nutrition au Bénin (ASCINB), organise avec l’appui de ses partenaires Care Bénin Togo, GAIN, le Royaume des Pays – Bas un atelier national sous le signe de la nécessité d’une gouvernance participative pour l’amélioration de la nutrition au Bénin.

Pour Aurélien Atidegla, président de l’ASCINB, la tenue de cet atelier découle de constats préoccupants. « La société civile a été peu impliquée dans le processus ayant conduit à l’adoption de la PNAN », déplore-t-il, citant également la faible appropriation de la PNAN par les organisations de la société Civile.

L’enjeu, aujourd’hui, est donc de créer un espace de dialogue critique, pour mieux comprendre la politique nationale, en apprécier la pertinence et formuler des propositions concrètes pour son amélioration.

Une dynamique soutenue par les partenaires

Cette initiative est soutenue par plusieurs partenaires techniques et financiers, à l’image de Care Bénin-Togo, représenté à l’ouverture par Edmond Zinzindohoué, Chef de projet CASCADE. Ce dernier a salué l’initiative en la qualifiant d’alignée avec la théorie du changement portée par le projet. « Susciter la société civile pour améliorer la redevabilité dans le cadre de la nutrition », a-t-il souligné, appelant les participants à se positionner comme « forces de proposition ».

L’intervention de Dagbégnon Tossougbo, représentant de la Direction de l’Alimentation, de la Nutrition Appliquée (DANA), a permis de poser les jalons officiels de l’atelier. Saluant l’action engagée par l’ASCINB.

Si dans son intervention, Dagbégnon Tossougbo a voulu rassurer l’ASCINB sur l’inclusivité du processus ayant abouti à l’adoption de la PNAN, les acteurs de la société civile à travers l’ASCINB affirment n’avoir jamais contribué ni à l’élaboration, ni à la validation de ladite politique.

A noter que lors du lancement, l’absence de l’Agence Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (ANAN), bras opérationnel de l’État sur les questions nutritionnelles a été remarquée.

Une volonté d’aller de l’avant

Malgré ces divergences, l’ambiance reste constructive. Les OSC présentes à l’atelier réaffirment leur engagement à jouer un rôle actif dans l’amélioration et la mise en œuvre de la PNAN. Pour elles, cet atelier constitue une opportunité de faire entendre leurs voix, d’influencer les politiques publiques, mais surtout de contribuer efficacement à la lutte contre la malnutrition.

Au Bénin, la malnutrition reste un fléau silencieux qui affecte les groupes les plus vulnérables, notamment les enfants et les femmes enceintes. L’amélioration et l’appropriation collective de la PNAN pourrait bien être l’impulsion nécessaire pour faire reculer durablement la malnutrition au Bénin.

Megan Valère SOSSOU