Retrait des États-Unis de la santé mondiale : une menace pour la recherche et les populations vulnérables
L’Académie nationale de médecine exprime une prise de position officielle. L’Académie dans sa séance du mardi 11 mars 2025, a adopté le texte de ce communiqué par 62 voix pour, 8 voix contre et 8 abstentions.
Les récentes mesures des États-Unis : des conséquences délétères pour la santé mondiale et la recherche médicale internationale En participant aux activités de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à la mise en action de ses différentes résolutions, à la gestion des crises pandémiques successives, les États-Unis ont ces dernières années massivement investi dans le financement et la gouvernance de la santé mondiale où ils jouent un rôle prédominant.
Ce pays a fourni ainsi avec 12,4 Mds$ en 2023 plus de 40 % de l’aide publique au développement en santé dans le monde, sur un total de 23 Mds$ (1). Les récentes décisions de la gouvernance américaine de se désengager de ses actions en faveur de la santé mondiale, et de supprimer la plupart de ses dépenses s’y rapportant, marquent une profonde rupture, qui aura des conséquences délétères pour les populations, dans l’équilibre des efforts menés.
Ces décisions concernent :
- La restructuration de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) avec une réduction drastique du personnel et une baisse significative des fonds alloués aux programmes humanitaires et sanitaires (2). Ceci bouleverse les approvisionnements en médicaments, les infrastructures de santé et les réponses d’urgence aux crises humanitaires (3).
- Le gel du Plan d’urgence pour la lutte contre le SIDA/VIH (PEPFAR), compromettant des initiatives cruciales dans plus de 50 pays et mettant en péril les avancées réalisées dans la réduction de la transmission du VIH/SIDA (4).
- La réduction du financement du National Institute of Health (NIH) et des projets associés de recherche médicale (plafonnement à 15 % des coûts indirects) (5) qui impacte les recherches sur les vaccins, les traitements contre les maladies infectieuses et non transmissibles, compromettant le développement de nouveaux traitements (6) (7). De nombreux essais cliniques internationaux et recherches collaboratives risquent ainsi d’être suspendus, les accès aux bases de données de programmes ciblés (VIH/SIDA, recherches en lien avec le genre, données climatiques etc.), supprimés. Ces coupes budgétaires vont affecter l’ensemble de la recherche médicale aujourd’hui mondialisée.
- La réintroduction du « Global Gag Rule » qui empêche tout financement des ONG internationales qui diffusent des informations et aident à l’interruption volontaire de grossesse entraînant une baisse significative des financements destinés à la santé reproductive et maternelle, notamment en Afrique et en Asie, impactant l’accès aux soins prénataux et aux contraceptifs (8).
- Le retrait du financement de l’OMS et celui progressif du personnel américain, qui privera l’organisation d’environ 20 % de son budget, affectant les campagnes de vaccination, la coordination des réponses sanitaires et la surveillance des pandémies, désormais sans lien avec les Centers for Disease Control (9) (10) (11) (12), ainsi que la surveillance des maladies non transmissibles.
- Le retrait des États-Unis de plusieurs organisations multilatérales internationales et de ses contributions à des institutions-clés comme l’UNESCO et le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU (UNHRC), qui affectera les populations les plus vulnérables (13).
Ces mesures peuvent encore faire l’objet de révisions ou d’annulations, de dérogations ou de limitation dans le temps. Cependant, compte tenu du rôle et de l’importance de la contribution américaine à la santé mondiale, elles remettent en question non seulement la coordination, le financement de ces actions mais aussi la recherche et l’innovation dans ce domaine (14), au détriment des populations les plus vulnérables.
Face à ces décisions aux conséquences potentiellement délétères pour la santé mondiale, l’Académie nationale de médecine de France estime essentiel de :
– Maintenir un engagement collectif dans la santé mondiale, en garantissant l’accès aux soins et aux services des personnes directement affectées par l’arrêt brutal des programmes d’aides sanitaires, en exprimant une solidarité envers les chercheurs et personnels de santé concernés par ces restrictions, en renforçant les collaborations en cours et à venir.
– Repenser l’architecture et la gouvernance de la santé mondiale, en précisant notamment le rôle de l’OMS ainsi que la contribution respective des financements internationaux et des fonds domestiques.
– Affirmer un « leadership » européen avec une position commune et proactive définissant une volonté de coordination participative face au retrait américain. La France devrait se donner les moyens d’y jouer un rôle majeur et emporter l’adhésion de ses partenaires à ces nouvelles ambitions.