
2e édition de la Contre-COP au Bénin : Les peuples africains tracent leur voie pour la justice climatique
Face à l’échec des négociations internationales, la deuxième édition de la Contre-COP africaine à Cotonou a adopté une déclaration musclée, exigeant réparations et souveraineté, et rejetant les « fausses solutions » portées par le Nord.
Loin des arènes diplomatiques où se joue le sort de la planète, une autre voix, grondante et déterminée, s’est fait entendre. Du 6 au 8 octobre 2025, Cotonou a accueilli la deuxième édition de la Contre-COP des peuples africains. Organisée par le Collectif africain pour la justice climatique (ACJC) en collaboration avec AMARRE Bénin, cette assemblée a rassemblé plus de soixante-dix délégués de 19 pays militants, communautés autochtones, universitaires et syndicalistes unis par un constat. Les véritables voix de l’Afrique sont marginalisées dans le processus onusien sur le climat.

Au terme de trois jours d’échanges riches et souvent poignants sur les « Voies africaines vers la justice climatique », les participants ont adopté une déclaration qui se veut un manifeste pour l’action et la souveraineté du continent.
L’Afrique, victime exclue des négociations à la COP Onusienne
D’emblée, la déclaration de Cotonou à l’issue de cette rencontre de haut niveau dresse un bilan sévère du système de la CCNUCC, « accaparée par les États et les entreprises du Nord » qui, tout en alimentant la crise, « prétendent faussement résoudre les causes du changement climatique ». En contraste, la Contre-COP s’est présentée comme un nouveau canal pour les récits longtemps étouffés des premières lignes du dérèglement climatique.
Les délégués ont partagé des témoignages poignants sur les sécheresses, inondations, érosion côtière et mauvaises récoltes qui ravagent leurs communautés. Des récits où l’urgence climatique se double souvent de l’exploitation économique, comme à Kouvênanfidé et Mêko au Bénin, où des projets touristiques gouvernementaux ont aggravé l’érosion côtière, entraînant des déplacements, la perte de la pêche artisanale et la destruction de lieux de culte.
Face à cette double injustice, la déclaration lance un cri du cœur : « Les Africains ont contribué de manière minimale aux émissions […] cependant, nous sommes confrontés à la majorité des dégâts causés par la crise climatique. »
De la fin des fossiles aux réparations
La déclaration de Cotonou est loin de se limiter à un constat. Elle énonce une feuille de route, articulée autour de plusieurs piliers.
1. Mettre fin à l’ère des combustibles fossiles : Le message est sans équivoque. « Toutes les formes d’exploration, d’extraction et de production de combustibles fossiles en Afrique doivent être arrêtées immédiatement. » Les participants rejettent toute nouvelle infrastructure gazière présentée comme une « énergie de transition ».
2. Exiger la dette climatique et des réparations : C’est une demande centrale. La déclaration exige des « réparations climatiques, les mesures correctives et les compensations accordées aux populations africaines touchées, au même titre que les réparations coloniales ». Elle insiste sur le fait que ces fonds doivent prendre « la forme de subventions et non de prêts qui ne font qu’aggraver la dette ».
3. Dénoncer les « fausses solutions » : Un rejet catégorique est opposé aux mécanismes promus par le Nord, tels que REDD+ ou le commerce du carbone, qualifiés de « distractions dangereuses » qui « ne font qu’aggraver la crise climatique ».
4. Affirmer le droit de dire « Non ! » : Dans une section percutante, la déclaration affirme le « droit de dire NON ! » et exige l’application du Consentement Libre, Préalable et Informé (CLPI) comme un droit « non négociable ». « Les communautés ont le droit de dire NON à tout développement qui menace leurs terres, leurs vies ou leurs moyens de subsistance », peut-on lire.
Les solutions africaines pour la souveraineté alimentaire et énergétique
Au-delà des refus, la Contre-COP met en avant des alternatives concrètes, ancrées dans les réalités locales.
– Souveraineté alimentaire : Les participants prônent un virage vers l’agroécologie paysanne et la priorisation des cultures vivrières locales, demandant que « au moins 5 milliards de dollars par an soient consacrés aux pratiques agroécologiques ».
– Souveraineté énergétique : La transition énergétique doit être « centrée sur l’homme » et détenue par la société. « La transition vers les énergies renouvelables en Afrique doit être soutenue en priorité avant que l’Afrique n’exporte ses ressources pour la transition du Nord », stipule le texte.
– Arrêter le « colonialisme des déchets » : Un appel clair est lancé : « L’Afrique n’est pas un dépotoir pour les déchets des pays du nord. »
« L’Afrique doit s’élever, non pas en réaction, mais en puissance »
En conclusion, la déclaration se transforme en un vibrant appel à l’action et à l’unité. Elle enjoint les Africains à « S’élever pour la justice climatique et la souveraineté africaine ».
« Partageons notre résilience nos histoires, nos compétences, nos connaissances traditionnelles », exhorte le texte, appelant à reprendre « notre place en tant que détenteurs de connaissances, innovateurs et protecteurs de la terre ».
Le message final est sans appel : « Notre sagesse n’est pas secondaire. » Il s’agit, selon les participants, d’« un appel à l’organisation. Un appel à agir. Un appel à diriger ». Et de conclure par une vision ambitieuse : « L’Afrique doit s’élever, non pas en réaction, mais en puissance. »
Porté par cet élan, le mouvement de la Contre-COP entend bien peser sur les débats de la COP30 à Belem, en novembre 2025, pour y imposer l’agenda et les solutions des peuples africains, premiers affectés par une crise qu’ils n’ont pas provoquée.
Megan Valère SOSSOU
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