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Le lait maternel est bien plus qu’un simple aliment : « un élixir de vie » selon Siméon Nanama

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Alors que s’achève la Semaine mondiale de l’allaitement maternel (1er-7 août), un constat persiste : pour de nombreuses femmes africaines, allaiter demeure une épreuve vécue dans l’isolement. Le 6 août 2025, le Réseau des médias pour la promotion de la santé et de l’environnement (REMAPSEN) a consacré un webinaire au sujet, autour du thème « Et si l’allaitement m’était conté », avec la participation de Siméon Nanama, conseiller régional en nutrition pour l’UNICEF en Afrique de l’Ouest et du Centre, et de Soliou Badarou, médecin de santé publique.

Pour Siméon Nanama, le lait maternel est bien plus qu’un simple aliment : « un élixir de vie ». Il hydrate, nourrit, protège, stimule le développement cognitif et renforce le lien mère-enfant. Il prévient également de nombreuses maladies, aussi bien chez l’enfant que chez la mère. Pourtant, déplore-t-il, « cette richesse biologique reste sous-exploitée, car elle dépend presque exclusivement de l’effort individuel des mères, sans structures de soutien solides ».

Si certaines traditions africaines valorisent la maternité, elles imposent aussi des pratiques nocives : rejet du colostrum, introduction précoce d’eau ou de tisanes, ou encore pressions sociales sur les jeunes mères.

L’allaitement, une responsabilité collective

Pour Soliou Badarou, il est urgent de changer de perspective : « Il faut que la société cesse de voir l’allaitement comme une affaire privée. C’est une responsabilité collective ». Le médecin insiste sur l’importance d’une communication adaptée aux réalités culturelles. Dans cette optique, le conte, profondément enraciné dans les traditions africaines, lui paraît être un outil de sensibilisation puissant : « Il ne parle pas seulement à la tête, mais au cœur ».

L’allaitement exclusif pendant six mois, tel que recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), reste loin d’être la norme. Ce retard entraîne un lourd coût en termes de maladies infantiles, de dépenses de santé, de sous-développement cognitif et de malnutrition. À l’inverse, plaide Nanama, promouvoir l’allaitement est « un investissement rentable », car il est gratuit, toujours disponible, et allège les charges financières des familles comme des États.

Mais la réalité est implacable : retour précoce au travail, absence de congés maternité adéquats, charge mentale, influence de l’industrie du lait artificiel, manque de structures d’accompagnement… Les mères africaines se retrouvent souvent livrées à elles-mêmes.

Face à ces obstacles, Siméon Nanama invite à un changement de posture : « Et si on commençait par leur demander : comment puis-je t’aider à allaiter ? ». Une manière de passer de l’injonction à l’accompagnement.

Pour Soliou Badarou, l’allaitement ne doit plus être perçu comme un choix individuel isolé, mais comme « un droit fondamental, un acte de santé publique, un geste d’amour, mais aussi un acte politique face aux diktats sociaux et commerciaux ». Valoriser l’allaitement, insiste-t-il, c’est aussi reconnaître la valeur invisible du travail maternel et repenser le rôle de la société dans la parentalité.

Au-delà de la sensibilisation

La Semaine mondiale de l’allaitement est donc plus qu’une campagne : c’est un appel à créer des environnements réellement favorables aux mères des politiques publiques adaptées, un soutien communautaire fort, des congés maternité décents, des espaces d’allaitement sur les lieux de travail, et une éducation inclusive des hommes et des familles.

Car si l’allaitement est un acte profondément intime, rappelle-t-on lors du webinaire, le pouvoir de le faire dans de bonnes conditions est, lui, une responsabilité partagée par toute la société.

Megan Valère SOSSOU

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