Nice sonne l’alerte et l’engagement pour les océans
Sur les rives de la Méditerranée, la ville de Nice a accueilli, du 9 au 13 juin, la troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC3), co-organisée par la France et le Costa Rica. L’événement a réuni 15 000 participants, dont plus de 60 chefs d’État et de gouvernement, venus des quatre coins du monde pour réfléchir à l’avenir des mers et des océans.

La clôture a été marquée, vendredi, par le puissant concert des cornes de brume des navires du port de Nice. Juste avant, plus de 170 États avaient adopté une déclaration politique ambitieuse visant à accélérer la préservation des océans.
« Nous clôturons cette semaine historique non seulement avec de l’espoir, mais avec des engagements concrets, une direction claire et une dynamique incontestable », a affirmé Li Junhua, secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales, et secrétaire général de la conférence.
Un plan d’action global
La conférence a donné naissance au Plan d’action de Nice, fondé sur deux piliers : une déclaration politique commune des États membres, et plus de 800 engagements volontaires portés par des gouvernements, des scientifiques, des agences de l’ONU et des représentants de la société civile.
Parmi les annonces les plus marquantes, la Commission européenne a promis un milliard d’euros pour la conservation des océans, la science marine et la pêche durable. La Polynésie française a quant à elle annoncé la création de la plus grande aire marine protégée au monde, couvrant l’ensemble de sa zone économique exclusive, soit environ cinq millions de kilomètres carrés.
L’Allemagne s’est engagée à hauteur de 100 millions d’euros pour le retrait de munitions immergées dans les mers du Nord et Baltique. De son côté, la Nouvelle-Zélande a débloqué 52 millions de dollars pour améliorer la gouvernance océanique dans le Pacifique. L’Espagne a annoncé la création de cinq nouvelles aires marines protégées.
Une coalition de 37 pays, menée par le Panama et le Canada, a lancé la High Ambition Coalition for a Quiet Ocean, pour lutter contre la pollution sonore sous-marine. Par ailleurs, l’Indonésie, en partenariat avec la Banque mondiale, a présenté une « obligation corail » destinée à financer la conservation des récifs coralliens.
« Les vagues du changement déferlent », a souligné M. Li. « Il est désormais de notre responsabilité collective de les endosser – pour les peuples, pour la planète, pour les générations futures ».
Une scène de diplomatie planétaire
L’ouverture de la conférence a été marquée par un constat sans appel du secrétaire général de l’ONU, António Guterres : « Nous ne traitons pas l’océan à la hauteur de ce qu’il est – le bien commun mondial par excellence. »
Les présidents Emmanuel Macron et Rodrigo Chaves Robles ont, quant à eux, plaidé pour un renouveau du multilatéralisme, fondé sur la science.
Lors de la clôture, l’envoyé spécial de la France, Olivier Poivre d’Arvor, a rappelé le pari de cette édition : « À Nice, nous avons voulu tenter un pari : celui d’un changement transformateur. Je pense que nous avons avancé, mais nous ne pouvons plus reculer. »
L’un des objectifs principaux de la conférence était d’accélérer l’entrée en vigueur du traité sur la haute mer (BBNJ), adopté en 2023. Avec 19 ratifications supplémentaires annoncées cette semaine, le traité compte désormais 50 ratifications sur les 60 requises. « C’est une victoire considérable », a déclaré M. Poivre d’Arvor. « Il est très difficile d’agir pour l’océan aujourd’hui, alors que les États-Unis sont aussi peu impliqués. » Faisant référence à l’absence de hautes autorités américaines et à l’ordonnance du président Donald Trump visant à lancer l’exploration minière dans les grands fonds marins, il a insisté :
« Les abysses ne sont pas à vendre. » Il s’est toutefois félicité de la participation massive : « Un pays est peut-être absent, mais 92 % des copropriétaires étaient présents aujourd’hui à Nice. » Le ministre des Affaires étrangères du Costa Rica, Arnoldo André-Tinoco, a appelé à un engagement ferme en faveur du financement de la protection océanique : « Chaque engagement doit être scrupuleusement suivi. »
Un moment charnière pour l’avenir marin
Peter Thomson, envoyé spécial de l’ONU pour l’océan, a souligné l’importance du tournant que représente cette conférence : « Ce n’est pas tant ce qui se passe lors de la conférence qui compte, mais ce qui en découle. » Il a évoqué les avancées majeures depuis l’adoption de l’ODD 14 en 2015 : « En 2015, nous étions dans un désert… Regardez où nous en sommes aujourd’hui ! »
Tous les regards sont désormais tournés vers la quatrième conférence, prévue en 2028 au Chili et en Corée du Sud. Peter Thomson a exprimé son espoir de voir d’ici là les grands accords multilatéraux pleinement ratifiés et appliqués : le BBNJ, l’accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, et le futur traité sur les plastiques. « Que ferons-nous quand cet objectif arrivera à maturité ? Il faudra aller plus loin, faire preuve de plus d’ambition. »
Saluant les engagements exemplaires des petits États insulaires, il a lancé : « Si de petits pays peuvent faire de grandes choses, pourquoi les grands ne suivraient-ils pas ? » Portant un collier offert par les îles Marshall, il a rappelé : « Les premiers bénéficiaires des aires marines protégées, ce sont les communautés de pêche. »
Des tensions en filigrane
Malgré l’élan général, certaines divergences ont émergé. Les petits États insulaires en développement (PEID) ont exigé une reconnaissance plus forte des pertes et dommages causés par le changement climatique, au-delà de leurs capacités d’adaptation : « On ne peut pas avoir de déclaration sur les océans sans les PEID », a rappelé un délégué.
D’autres voix, notamment celle du président du Costa Rica, ont plaidé pour un moratoire sur l’exploitation minière en haute mer. Cette demande ne figure cependant pas dans la déclaration finale.
Le texte adopté réaffirme néanmoins l’objectif de protéger 30 % des terres et mers d’ici 2030, et soutient plusieurs cadres internationaux, tels que l’accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité ou encore la stratégie climatique de l’OMI.
« La véritable épreuve, ce n’est pas ce que nous avons dit ici à Nice, mais ce que nous ferons ensuite », a conclu M. Li. Alors que la lumière déclinait sur la Promenade des Anglais, la mer, silencieuse mais omniprésente, restait le témoin immuable d’une promesse collective : fragile, mais bien réelle.
Megan Valère SOSSOU
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