La valorisation de la jacinthe d’eau à Ganvié : une solution contre la migration des communautés

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Ganvié, surnommée la « Venise d’Afrique », est une communauté lacustre située sur le lac Nokoué, au nord de Cotonou, au Bénin. Connue pour son cadre unique et ses pirogues en bois, la vie des habitants repose essentiellement sur la pêche, une activité aujourd’hui menacée par la prolifération de la jacinthe d’eau. Cette plante aquatique envahissante, originaire d’Amérique du Sud, compromet la navigation, asphyxie l’écosystème et réduit considérablement les ressources halieutiques, rendant la survie des communautés locales de plus en plus difficile.

Navigation fluide sur l’eau à Ganvié

Face à cette situation critique, l’Organisation non gouvernementale Jeunesse et Emplois Verts pour une Économie Verte (JEVEV) a mis en place le « Projet Route de la Jacinthe d’Eau », une initiative innovante qui a non seulement permis de freiner la migration des habitants de Ganvié, mais aussi de transformer un problème environnemental en une opportunité économique.

Lauréat du Prix M4C 2023, ce projet montre comment les défis environnementaux peuvent être relevés lorsque les acteurs locaux, la diaspora et les migrants de retour unissent leurs forces pour mettre en œuvre des solutions écologiques durables. L’initiative valorise la jacinthe d’eau en la transformant en ressources utiles telles que le compost, le biogaz, le charbon et le papier, améliorant ainsi la qualité de l’eau et la gestion des terres tout en créant des emplois verts. Grâce à l’engagement d’Henri Totin, directeur de JEVEV et expert en économie verte, et de son équipe, cette plante, autrefois perçue comme un fléau, est désormais considérée comme une « ressource verte ».

La valorisation de la jacinthe a eu des impacts notables. Le compost issu de la plante s’est révélé être un excellent engrais organique, utilisé par plus de 3 550 agriculteurs dans les communes de Bonou, Dangbo et Adjohonu, améliorant ainsi la productivité agricole sans recours aux produits chimiques. De plus, la production de charbon à partir des tiges a permis à 45 % des ménages de la région de remplacer le charbon traditionnel, réduisant ainsi la pression sur les ressources forestières et contribuant à la lutte contre la déforestation.

En plus, plusieurs produits sont conçus à base de la matière première « jacinthe d’eau » afin de limiter l’impact environnemental et favoriser l’économie circulaire locale dans la communauté de Ganvié grâce au Projet Route de la Jacinthe d’eau de l’Ong Jevev

Ce projet a également permis de revitaliser la navigation fluviale sur le lac Nokoué, rendant les déplacements plus sûrs et plus rapides pour les pêcheurs et les habitants de Ganvié. L’impact sur la biodiversité est également significatif : la jacinthe, qui asphyxiait le lac, est aujourd’hui contrôlée, permettant aux plantes aquatiques indigènes de se régénérer et aux poissons de retrouver leur habitat naturel.

L’une des clés de la réussite du projet est la formation. JEVEV a formé plus de 1 450 jeunes entrepreneurs verts, ainsi que 240 producteurs, leur permettant de maîtriser les techniques de transformation de la jacinthe. Cette approche permet aux jeunes et aux femmes, principaux bénéficiaires du programme, de trouver des alternatives économiques durables, réduisant ainsi la pression migratoire.

Henri Totin, le pionnier de cette transformation écologique, explique que ce projet est né d’une expérience personnelle douloureuse. « Un jour, mon jeune frère a eu un accident en raison du retard causé par la jacinthe d’eau sur la rivière. Cet événement tragique m’a poussé à trouver une solution », raconte-t-il. Depuis lors, Henri et son équipe ont investi dans la recherche et le développement de nouvelles techniques pour exploiter les ressources de la jacinthe d’eau, transformant ainsi un problème environnemental en opportunité.

Le projet de JEVEV illustre l’importance de la coopération communautaire dans la lutte contre les défis environnementaux. Grâce à cette initiative, Ganvié, autrefois menacée par l’exode rural, connaît aujourd’hui un renouveau économique et écologique, prouvant que des solutions locales peuvent faire la différence face aux crises mondiales.

Avec le soutien d’organisations internationales et l’engagement des autorités locales, le « Projet Route de la Jacinthe d’Eau » continue de tracer la voie vers une gestion durable des ressources naturelles, tout en préservant les moyens de subsistance des communautés riveraines. Ce modèle pourrait servir d’exemple pour d’autres régions confrontées à des défis similaires, montrant que la valorisation des ressources naturelles peut être un levier de développement durable et une réponse efficace à la migration forcée.

Megan Valère SOSSOU